La Société française de pédiatrie (SFP) vient de se prononcer sur les risques liés au variant Delta chez l’enfant. Vos conclusions sont plutôt rassurantes…
Pr François Angoulvant : Par rapport aux virus précédents, le variant Delta est clairement plus contagieux chez l’adulte comme chez l’enfant. Mais il persiste un gradient entre enfants et adultes et, parmi les moins de 6 ans, le risque de transmission reste bien inférieur à celui observé chez les jeunes adultes. Au-delà de 10-12 ans, on revient en revanche à un risque identique.
Concernant la possibilité d’une plus forte virulence du variant Delta chez l’enfant, nous ne disposons pas encore de grosses études. Mais on a un faisceau d’arguments qui nous permettent de dire que la sévérité reste faible en population pédiatrique et analogue aux précédentes vagues, avec, en France, des taux d’hospitalisation < 1 % et des taux d’admission en réanimation très inférieurs à 1 pour 1 000.
Qu’en est-il aux États-Unis ?
Pr F. A. : Ce qui se passe aux États-Unis est encore mal compris même par nos collègues américains ! Il est vrai que certains États du Sud-Est rapportent des hospitalisations d’enfants plus fréquentes, avec des taux qui restent toutefois trois fois plus faibles que chez les jeunes adultes. Pour expliquer ce constat, plusieurs pistes ont été avancées, dont l’état de santé de base dans certaines zones des États-Unis, avec des enfants peut-être plus précaires et ayant plus de comorbidités.
Les formes graves de l’enfant sont-elles comparables à celles de l’adulte ?
Pr F. A. : Il y a plusieurs types de formes graves en pédiatrie. Une partie correspond à des Covid aigus sévères avec des atteintes respiratoires proches de celles de l’adulte. S’y ajoutent les PIMS (syndromes inflammatoires multisystémiques pédiatriques), qui peuvent survenir de façon décalée après un épisode de Covid aigu et conduire un certain nombre d’enfants en réanimation. Un troisième cas de figure est celui des prématurés nés de mères atteintes d’un Covid sévère ayant nécessité une césarienne en urgence pour sauvetage maternel. Certains peuvent être Covid+ mais l’essentiel de la pathogénicité vient de la prématurité.
Les enfants porteurs de comorbidités sont-ils vraiment plus vulnérables ?
Pr F. A. : Les cas de Covid aigus sévères surviennent effectivement le plus souvent chez des enfants porteurs de comorbidités, mais tous les enfants ayant des comorbidités ne font pas de formes graves et, globalement, l’âge est beaucoup plus discriminant.
Compte tenu du faible nombre de cas pédiatriques, nous n’avons pas encore identifié avec précision quelles sont les pathologies les plus péjoratives, à l’exception des interféronopathies, qui sont des maladies très rares.
Certains médecins estiment que le protocole sanitaire scolaire est insuffisant. Qu’en pensez-vous ?
Pr F. A. : Il ne faut pas se tromper de priorité. Encore une fois, que ce soit les données françaises ou même américaines, tout montre que l’atteinte en pédiatrie est plutôt secondaire par rapport au reste de la population.
A contrario, en termes de santé des enfants, les conséquences sociales, éducatives, etc., de l’épidémie et des confinements ont eu un retentissement vraiment délétère chez l’enfant, avec des troubles psychiques importants. Maintenir l’école ouverte est donc pour nous une priorité absolue et nous avons vu l’an dernier que cela était possible avec le protocole sanitaire.
Ce serait dramatique de fermer les classes à la moindre alerte. Une des meilleures façons de protéger les enfants reste de vacciner leur entourage.
Concernant les adolescents, les Danois ont rapporté récemment un cas de PIMS après vaccination. Cela vous semble-t-il inquiétant ?
Pr F. A. : C’était une éventualité qui avait été pointée dès le début de la vaccination des adolescents. Ce n’est donc pas vraiment une surprise et même si, dans le cas présent, on ne sait pas encore s’il y a réellement un lien de causalité, il faut rester vigilant.
Cela incite aussi à ne pas se lancer dans la vaccination des jeunes enfants tant que l'on n’a pas les résultats des études dans cette population. Cela devrait arriver à partir de novembre. Mais d'ici là, à mon avis, la question de la vaccination de cette population n’a pas lieu d’être.
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