C'EST D'AILLEURS pour cette raison que le dispositif prévu initialement jusqu'au 31 mai 2005 a été prolongé jusqu'au 31 décembre 2005 et que le montant maximal du don, limité dans un premier temps à 20 000 euros, a été relevé, avec effet rétroactif au début de la mesure, à 30 000 euros.
Mais si un ministre peut, par une mesure législative, modifier temporairement le code général des impôts, les règles du code civil en matière de donation, demeurent. Vous devez donc être attentifs aux conséquences « civiles » de vos donations pour la paix future de votre famille.
Comme toute libéralité, une donation Sarkozy doit respecter « la réserve ». Il s'agit de la part de votre patrimoine dont vous ne pouvez disposer librement et qui revient de droit à vos héritiers.
Par exemple, si vous avez deux enfants, les deux tiers de vos biens reviennent obligatoirement à vos enfants et vous ne pouvez disposer librement que du tiers restant.
Respecter la réserve.
Première conséquence oubliée des donations Sarkozy : l'atteinte à la réserve souvent provoquée par les donations réalisées en faveur des petits-enfants. Il suffit par exemple que des grands-parents généreux mais dont le patrimoine est limité, décident de donner 30 000 euros à chacun des petits-enfants de leur enfant marié pour que la réserve de celui qui est encore célibataire soit entamée. A leur décès, le fils ainsi privé d'une part de son héritage pourra contester les dons effectués et exiger leur « réduction ». Ce qui signifie que les sommes données devront être restituées partiellement ou totalement par les petits-enfants : un beau conflit familial en perspective.
Une avance sur la succession.
Autre risque méconnu des dons Sarkozy : ils sont assimilés à des dons manuels en raison de leur absence de formalisme. En effet, les bénéficiaires doivent simplement remplir et déposer un imprimé de don spécifique (formulaire n° 2730) à leur centre des impôts. Aucun acte notarié n'est exigé.
Or un don manuel, qu'il entre ou non dans le cadre du dispositif Sarkozy, est considéré, à défaut de précisions, comme réalisé en « avancement d'hoirie », c'est-à-dire comme une avance sur la succession future. Il faudra donc le rapporter à la succession du donateur si le bénéficiaire du don est un héritier afin de rétablir l'égalité du partage. Le problème se complique si la somme donnée a servi à acquérir un bien qui s'est valorisé, car c'est sa valeur au jour de la succession qui doit être prise en compte au moment dudit partage.
Prenons l'exemple de deux frères qui ont reçu de leur mère en 2005 un don de 30 000 euros chacun. L'un a utilisé cette somme pour compléter le financement du logement qu'il souhaitait acquérir ; l'autre a acheté une voiture et fait un beau voyage. Si le droit des successions n'a pas été modifié, le jour du décès de la mère, le premier fils devra rapporter à la succession la somme revalorisée reçue en donation (soit 60 000 euros si la valeur du logement acquis a doublé) alors que le second fils n'aura à rapporter que 30 000 euros (sa voiture n'ayant plus aucune valeur vénale). Du coup, le fils bon gestionnaire sera pénalisé. Est-ce vraiment ce que sa mère souhaitait ?
Les parades possibles.
Soyez rassuré, il existe des parades permettant de bénéficier des possibilités fiscales offertes par le dispositif Sarkozy tout en respectant les règles du code civil.
Bien entendu, les solutions les plus sûres - d'un point juridique - demandent l'intervention d'un notaire et vont donc entraîner des frais. Sachez toutefois que, si le donateur prend à sa charge le coût de l'acte notarié, l'administration fiscale ferme les yeux et ne considère pas qu'il s'agit d'un nouveau don.
Un cadeau de Bercy pour encourager les actes notariés.
Et comme les problèmes successoraux ne se posent qu'en présence de plusieurs héritiers, la parade idéale aux risques soulevés par les donations Sarkozy est la donation partage. Il n'est pas obligatoire de la réaliser immédiatement ; vous pouvez attendre l'occasion d'un nouveau don. Vous demanderez alors à votre notaire de réintégrer les dons manuels effectués dans cette donation-partage et de stipuler que les donations Sarkozy effectuées seront, selon votre choix, soit « dispensées de rapport », soit rapportées pour leur valeur initiale.
Si vous ne pensez pas devoir effectuer de nouveaux dons, vous pouvez également demander à un notaire de rédiger un acte précisant que les dons réalisés dans le cadre du dispositif Sarkozy ont été réalisé « par préciput et hors part ». Ils seront considérés selon cette formule comme des dons prélevés sur la quotité disponible et ne devront pas être rapportés à la succession.
Mais cette solution aussi a un coût puisqu'il faudra payer les frais de l'acte notarié. A noter que vous pouvez aussi donner cette précision par voie testamentaire.
La solution du pacte adjoint.
Il est également possible de se contenter de la rédaction d'un « pacte adjoint ». C'est un acte sous seing privé c'est-à-dire un document écrit, rédigé entre le donateur et le donataire sans intervention d'un notaire. Il permet au donateur de préciser notamment le « mode d'emploi » de la somme donnée tant immédiate que future.
Il est ainsi possible de prévoir que le don est « préciputaire et hors part » mais aussi, si vous le souhaitez, que les sommes données devront être versées sur un contrat d'assurance-vie, ne tomberont pas dans la communauté conjugale ou seront indisponibles jusqu'à ce que le donataire ait fêté ses 18, 20 ou 25 ans.
On peut inscrire toutes les clauses de son choix à condition, bien entendu, qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs ou à la loi. Et si vous souhaitez donner à votre pacte adjoint une valeur juridique plus importante, il suffit de le présenter à la formalité fiscale de l'enregistrement (coût : 75 euros).
Sachez toutefois que, même s'il est enregistré, un pacte adjoint n'aura jamais le même poids juridique qu'un acte notarié en cas de conflits importants entre vos héritiers. Ils pourront toujours le contester sur la base de l'article 919 du code civil (second alinéa) qui dit que la déclaration selon laquelle un don est à titre de préciput et hors part ne peut être faite que par le biais de l'acte constatant le don. Or, en matière de don manuel, il n'y a pas d'acte ! Et s'ils n'obtiennent pas les résultats escomptés, il leur restera l'article 1 130 du code civil qui interdit les stipulations sur successions futures. Mais on peut imaginer que, même en présence d'un testament ou d'actes notariés, des héritiers qui ne s'entendent pas trouveront toujours un motif de contestation.
En conclusion, soyez généreux, mais n'oubliez pas que la simplification apportée par le dispositif Sarkozy n'est que fiscale. La réforme du droit civil des successions est seulement, pour l'instant, à l'état de projet. Prenez donc les précautions nécessaires pour que vos cadeaux ne deviennent pas un jour empoisonnés.
Donations plus fréquentes ?
A la mi-septembre, le ministre délégué au Budget, Jean-François Copé, annonçait la possibilité de réduire à six ans le délai légal des donations en franchise d'impôt (50 000 euros) entre parents et enfants, au lieu de dix ans actuellement. Objectif de la mesure, qui devrait être inscrite dans le projet de loi de Finances pour 2006 : faciliter la transmission du patrimoine entre générations.
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