Tribune libre

Lumière sur le retrait différé de l’olmesartan

Publié le 22/06/2015
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La rigueur du travail fait sur l’olmesartan dans un délai minimal par la HAS et les médecins français, ainsi que la précision des conclusions de l’Agence, n’attirent aucune reconnaissance. La décision politique de ne pas agir dans l’urgence fait au contraire rechercher toutes les turpitudes possibles.

Là où l’on discutait des effets secondaires potentiellement graves à 1 pour 1 000, aujourd’hui, la barre de la perception d’un risque médicamenteux inacceptable, quand la maladie n’est pas mortelle à court terme, est de l’ordre de 1 pour 10 000.

Le retrait différé de l’olmesartan met en lumière les risques des noms commerciaux de médicaments, puisque 6 dénominations commerciales différentes couvrent le nom en DCI de ce qu’il serait suffisant de savoir : olmesartan, hydrochlorothiazide, amlodipine. Les produits comparables, sans suspicion actuelle d’entéropathie, offrent 18 noms supplémentaires à mémoriser, là où 8 au total suffisent en DCI.

Développer les « me too »

Le retrait de l’olmesartan doit aussi faire rappeler que le développement des décriés « me too » est inéluctable et nécessaire. Les cibles qu’ils visent sont connues à peu près en même temps de tous, mais selon les temps de réaction des professionnels et leur habileté, les nombreuses chutes de molécules en cours de développement, la recherche de plusieurs indications, des intervalles de cinq à dix ans vont séparer la transformation d’une nouvelle entité chimique des pharmacologues en médicament pour les malades. Or, les structures chimiques diffèrent, les métabolismes diffèrent, les mécanismes pharmacologiques diffèrent et la diversité des personnes exposées fait naître des prescriptions préférentielles. On peut devoir choisir entre une élimination rénale ou hépatique, ou un métabolisme par tel cytochrome face à la rencontre inattendue avec d’autres médicaments. Quand on est honnêtement renseigné sur les comparaisons des doses, les effets secondaires de classe sont les mêmes, tout comme l’efficacité, mais des accidents inattendus peuvent survenir à tout moment sur le premier médicament découvert, surtout quand il permet d’approcher avec des tâtonnements une toute nouvelle cible.

Pour traiter l’hypertension artérielle, si l’on n’avait eu comme bêta bloquant ou diurétique que le practolol ou l’acide tiénilique, tous deux retirés après commercialisation, ou l’olmeasratan comme antagoniste de l’angiotensine 2 s’il avait été développé le premier, il aurait fallu repartir sur 5 à 10 ans de développement pour avoir un médicament de remplacement dans la même classe…

Sur les données actuelles, avec toutes les incertitudes de ce type de chiffres, on pourrait calculer, sur le nombre de personnes annuellement exposées, que dix à cent personnes pourraient avoir une entéropathie iatrogène pendant le non-retrait de l’olmesartan. Est-ce acceptable ? Mais un train peut en cacher un autre : telle est l’angoisse permanente du prescripteur de traitements préventifs au long cours.

* Néphrologue de formation, ancien Directeur général de la Santé, Professeur émérite de Santié Publique à la faculté de médecine Paris-Descartes
Par le Pr Joël Ménard*

Source : Le Quotidien du Médecin: 9422