Les chiffres de Tchernobyl

L'Irsn joue la carte de la prudence

Publié le 14/09/2005
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JUSQU'A 4 000 personnes pourraient au total décéder des conséquences de l'exposition aux radiations dues à l'accident de la centrale de Tchernobyl. Ce chiffre, tiré d'un rapport du Forum Tchernobyl et publié à l'occasion de la conférence de l'Agence internationale de l'énergie atomique (« le Quotidien » du 6 septembre), a provoqué une vive polémique. « Cette estimation a été présentée à tort comme un bilan définitif, indique le directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (Irsn), Jacques Repussard. Il s'agit en fait d'une projection » fondée sur la base de phénomènes, comme l'apparition de cancers, qui ont été observés notamment après les explosions d'Hiroshima et de Nagasaki. « C'est un ordre de grandeur qui concerne une partie des populations les plus contaminées », à savoir les liquidateurs (ceux qui ont participé au nettoyage du site) et les personnes évacuées, soit 600 000 individus sur les six millions touchés.
« Les radioprotectionnistes ont recherché le lien cancer-dose sans prendre en compte les autres détriments sanitaires, commente Jacques Repussard. Mais, contrairement à Hiroshima et à Nagasaki, où il s'agissait principalement d'une contamination directe, nous avons affaire, avec Tchernobyl, à une contamination indirecte (par le biais des écosystèmes, ndlr). Or nous ne savons pas prédire l'effet d'une telle contamination. Il faut donc être prudent et continuer les recherches afin de mieux comprendre l'impact des radiocontaminants. » C'est tout l'enjeu des recherches sur les effets des faibles doses chroniques.

Pas de précédent.
En 1996, soit dix ans après la catastrophe, les gouvernements français et allemand (à travers l'Irsn et le GPS) avaient proposé une coopération scientifique avec l'Ukraine, la Biélorussie et la Russie. L'objectif essentiel de l'initiative franco-allemande, qui prend fin aujourd'hui, était d'aider à collecter et valider des données existantes, dans le but de constituer une base d'informations utile à la planification de mesures de protection, à l'information du public et aux travaux scientifiques ultérieurs. « Il n'y a pas de précédent sur la planète à ce type d'exposition aux radiations, indique Jacques Repussard. Il faut qu'il y ait une volonté politique, notamment au niveau de l'Union européenne, pour que les recherches se poursuivent. » Il est en effet nécessaire d'approfondir notamment l'étude de l'impact sur les écosystèmes. Concernant les conséquences sanitaires, il « paraît indispensable, précise Margot Tirmarche, chef du laboratoire d'épidémiologie à l'Irsn, de poursuivre les travaux menés avec les registres, notamment avec les registres des cancers, afin de pouvoir suivre leur évolution dans le temps, que ce soit pour les cancers de la thyroïde ou pour les autres cancers. Ce travail est important pour améliorer les connaissances scientifiques sur une question encore controversée. En outre, les registres de cancer ou de malformations congénitales sont des outils de veille sanitaire. Ils ne concernent pas uniquement les risques liés aux radiations. Ils sont également nécessaires aux études plus larges sur les pollutions environnementales ». L'exigence de poursuivre les recherches semble d'autant plus légitime lorsque l'on sait que « 70 % de la dose totale de radioactivité a été émise. Il reste donc 30 % de radioactivité et l'un des enjeux est de limiter au maximum l'exposition à cette dose », ajoute le directeur de l'Irsn. Moins de 50 % des sites de stockage des déchets dans la zone d'exclusion de Tchernobyl ont été inspectés. « Il est donc impossible d'évaluer complètement les volumes réels et l'activité correspondante des déchets radioactifs, leur impact sur l'environnement et les risques radiologiques », estime Gérard Deville-Cavelin, ingénieur chercheur en radioécologie à l'Irsn.

> STÉPHANIE HASENDAHL

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7801