Lipothymies inopinées à répétition et bradycardie à 30

Publié le 10/01/2001
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Lipothymies inopinées à répétition et bradycardie à 30

Lipothymies inopinées à répétition et bradycardie à 30
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Asthénie très importante

Un homme âgé de 78 ans présente depuis peu une asthénie très importante et de fréquentes lipothymies, frôlant la perte de connaissance, survenant inopinément, sans lien avec l'effort ou un quelconque mouvement de la tête. Il n'a pas d'antécédent médical connu et n'a pas consulté depuis très longtemps. L'examen clinique révèle une grande bradycardie régulière à moins de 30 par minute, un souffle méso-systolique de base peu intense, une pression artérielle à 160/80 mmHg ; il n'y a pas de signe clinique d'insuffisance cardiaque. Un ECG est pratiqué pour analyser le mécanisme de la bradycardie (cf. tracé).


Quel est votre diagnostic ?

1) Bloc sino-auriculaire permanent.
2) Bloc auriculo-ventriculaire complet sur fibrillation auriculaire.
3) Paralysie sinusale avec échappement hissien très lent.
4) Bloc auriculo-ventriculaire du troisième degré sur fond de rythme sinusal.

 

Réponse

La bonne réponse est la 2.
Il n'y a pas d'onde P visible individualisée : on ne peut donc parler de rythme sinusal, ni de bloc sino-auriculaire complet. La ligne isoélectrique n'est pas parfaitement plate, elle est légèrement trémulante en D2, D3 et V1 : nous sommes donc en présence d'une fibrillation auriculaire à très petites mailles. On ne peut parler de paralysie sinusale.
Les ventriculogrammes sont très lents vers 30 par minute, parfaitement réguliers. Sur un fond de fibrillation auriculaire ; cette régularité des QRS témoigne d'une interruption complète de la conduction entre oreillettes et ventricules : on peut parler de bloc auriculo-ventriculaire complet.
La largeur des QRS n'atteint pas 0,12 seconde, elle est aux environs de 0,10-0,11 seconde : les QRS restent donc fins et témoignent d'un échappement hissien, certainement très bas situé en raison de sa lenteur.
L'axe de ces QRS est très vertical vers + 120° (au-delà de la perpendiculaire à D1), en rapport vraisemblablement avec un hémibloc postérieur gauche. La positivité terminale en V1 traduit un bloc incomplet de la branche droite. Les lésions dégénératives des voies de conduction sont donc multiples.
Enfin, la repolarisation ventriculaire est très perturbée :
les ondes T sont négatives en D2, D3, aVF et de V2 à V6, ce qui peut être en rapport avec une ischémie myocardique au moins fonctionnelle ;
– l'espace QT est très prolongé à 0,72 seconde. En l'absence de médicaments prolongeant la repolarisation ou d'hypokaliémie connue, cet allongement de QT est à mettre sur le compte de la très grande bradycardie. Il peut être à l'origine de torsades de pointe qui expliqueraient les pertes de connaissance, l'asthénie étant à mettre sur le compte de la grande bradycardie permanente.

Dr Jean-Claude KAHN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6832