Evoquer conduit à traiter
Le tableau clinique est d'une extrême gravité associant :
- un collapsus cardio-vasculaire qui s'installe rapidement avec pression artérielle effondrée, extrémités froides, pouls filant et rapide ;
- une asthénie majeure associée même à des troubles de la conscience, avec adynamie extrême, aboutissant au coma ou, à l'inverse, agitation, délire, confusion ;
- des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales épigastriques en barre diffusant secondairement à tout l'abdomen) ;
- une déshydratation globale, pli cutané, sécheresse des muqueuses ;
- une fièvre en dehors de toute infection ;
- des myalgies ;
- une mélanodermie intense et d'aggravation rapide à l'interrogatoire de l'entourage.
L'évolution est mortelle en quelques heures ou quelques jours.
Evoquer une insuffisance surrénale aiguë, c'est la traiter, et le traitement ne doit pas être retardé par l'attente des résultats biologiques.
Il est cependant important avant le traitement de prélever un ionogramme qui montrera une hyponatrémie et une hyperkaliémie, le cortisol et surtout l'ACTH, quelle que soit l'heure de la journée. En effet, si le cortisol s'effondre dans la journée et n'a donc pas de valeur de diagnostic en dehors du prélèvement matinal, l'ACTH reste très élevée dans les formes périphériques, quelle que soit l'heure, et confirme à distance le diagnostic. On retrouve, en outre, des signes d'hémoconcentration et une insuffisance rénale fonctionnelle, avec augmentation de l'urée, une acidose métabolique, une hypoglycémie.
Le traitement
Il doit être hospitalier, mais, au domicile du patient, 100 mg d'hydrocortisone peuvent être administrés en
intramusculaire.
Il repose sur la correction de la déshydratation, des anomalies électrolytiques et de l'insuffisance hormonale.
Le remplissage vasculaire est donc nécessaire avec sérum physiologique et sérum glucosé, sans supplémentation potassique. Les volumes perfusés doivent être suffisants et adaptés au niveau de déshydratation.
L'hormonothérapie substitutive fait appel à de fortes doses d'hémisuccinate d'hydrocortisone : 100 mg en I. V. directe, puis 100 mg/24 heures à la seringue électrique. Ce traitement est poursuivi trois ou quatre jours, puis les doses sont abaissées progressivement, avant un relais à la forme orale après de cinq à sept jours de traitement injectable.
La fludrocortisone injectable (Syncortyl 5 à 10 mg par voie intramusculaire, une ou deux fois par jour) est administrée dans les formes périphériques et au moindre doute sur l'étiologie pendant trois ou quatre jours avant un relais par voie orale (fludrocortisone : 50 à 100 μg/j).
La surveillance quotidienne est clinique, biologique (iono), électrocardiographique (jusqu'à normalisation de la kaliémie).
Pronostic
Le pronostic est dominé par les complications hémodynamiques liées à la déshydratation et cardiaques en rapport avec l'hyperkaliémie.
Il est nécessaire de corriger et de traiter la cause déclenchante : correction de l'infection, de la déshydratation, et adaptation d'éventuels traitements diurétiques, traitement d'un infarctus ou de toute autre source de stress.
Après une semaine de traitement intensif, le traitement sera celui de l'insuffisance surrénale lente associé aux mesures d'éducation et de prévention (« le Quotidien » du 28 septembre).
L'évolution est très spectaculaire et le pronostic excellent dans la majorité des cas si la prise en charge est rapide.
Le diagnostic étiologique est nécessaire
Que l'insuffisance surrénale soit connue ou non, il faut chercher un facteur déclenchant qui a précipité la décompensation :
- infection : examen clinique, ECBU, hémocultures... ;
- déshydratation secondaire aux conditions climatiques ou à la mise sous diurétiques ;
- état de stress généré par des examens complémentaires (par exemple, fibroscopie ou coloscopie demandées devant des troubles digestifs témoins d'une insuffisance surrénale lente méconnue) ;
- absence d'adaptation de la thérapeutique au stress chez un insuffisant surrénalien déjà connu (chirurgie [Cf. encadré], accouchement, infection, traumatisme, etc.) ;
- arrêt intempestif de la substitution ;
- infarctus du myocarde...
Si l'insuffisance surrénale lente n'était pas connue, la recherche étiologique est indispensable :
- périphérique : tuberculose, maladie auto-immune... ;
- centrale, par atteinte hypophysaire.
L'insuffisance surrénale aiguë peut aussi survenir d'emblée dans les formes qui détruisent très rapidement la surrénale : hémorragie bilatérale des surrénales lors de certaines infections méningococciques, de traitement anticoagulant mal conduit, de CIVD...
Elle peut être iatrogène après surrénalectomie bilatérale, traitement par les anticortisoliques kétoconazole, mitotane...
La chirurgie antéhypophysaire pour macro-adénome peut être source d'insuffisance surrénale aiguë ; ici, le risque est théorique car le traitement substitutif est mis en œuvre d'emblée.
La mise en route inadaptée d'un traitement substitutif d'insuffisance antéhypophysaire, un test à la métopirone, particulièrement en fin de test, ce qui justifie sa réalisation en milieu hospitalier, les traitements inducteurs enzymatiques (rifampicine...) qui augmentent les besoins en cortisol sont des causes possibles, mais rares.
L'insuffisance surrénale postcorticothérapie est rarement source de décompensation aiguë.
Les traitements inducteurs enzymatiques (rifampicine...) qui augmentent les besoins en cortisol.
Chirurgie et besoins en hydrocortisone
- Interventions mineures (de moins de 1 heure) : dose doublée pendant 48 heures.
- Interventions « modérées » (de 1 à 2 heures) : 60 à 80 mg pendant 48 heures.
- Interventions lourdes (chirurgie cardiaque, colectomie...) : 100 à 150 mg pendant 3 à 4 jours.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature