DE NOTRE CORRESPONDANTE
«PRESQUE TOUTES les études antérieures ayant évalué des traitements pour l’insuffisance cardiaque ont exclu les patients affectés d’insuffisance cardiaque diastolique. Ce type d’insuffisance cardiaque est mal compris. Il est possible que les traitements pour ce type d’insuffisance cardiaque devront être très différents de ceux qui sont bénéfiques pour l’insuffisance cardiaque systolique», indique dans un communiqué le Dr Margaret Redfield, directrice du service des insuffisances cardiaques à la Mayo Clinic, qui a dirigé une des deux études publiées aujourd’hui dans le « New England Journal of Medicine ».
L’insuffisance cardiaque peut être associée à une baisse de la fonction pompe du coeur, ce qui se traduit à l’échocardiogramme par une baisse de la fraction d’éjection (insuffisance cardiaque systolique), ou bien par une baisse de la fonction de relaxation, avec une fraction d’éjection préservée (insuffisance cardiaque diastolique).
Owan et coll. ont évalué, dans une étude rétrospective, les résultats épidémiologiques et les taux de survie chez près de 5 000 patients sortis de l’hôpital (deux hôpitaux de la Mayo Clinic, Minnesota), avec un diagnostic d’insuffisance cardiaque décompensée, entre 1987 et 2001.
Bhatia et coll. décrivent les résultats à plus court terme chez environ 2 800 patients sortis de l’hôpital, avec un diagnostic d’insuffisance cardiaque (103 hôpitaux dans la province canadienne de l’Ontario), entre 1999 et 2001.
Les deux équipes ont réparti leurs patients en deux groupes selon le niveau de la fraction d’éjection : 1) insuffisance cardiaque, avec fraction d’éjection préservée (supérieure ou égale à 50 %), autrement dit, insuffisance cardiaque diastolique ; 2) fraction d’éjection réduite (moins de 40 ou 50 %), autrement dit, insuffisance cardiaque systolique.
Les investigateurs ont ensuite comparé les caractéristiques et les évolutions cliniques entre les deux formes d’insuffisance cardiaque – diastolique et systolique.
Owan et coll. ont constaté, entre 1987 et 2001, une augmentation de la proportion de la forme diastolique de l’insuffisance cardiaque, avec un pourcentage augmentant de 38 à 47 %, puis à 54 % durant les trois périodes successives de cinq ans de l’étude. Cette augmentation est due à une augmentation des cas d’insuffisance diastolique, avec un nombre inchangé de cas d’insuffisance systolique.
Chez les insuffisants cardiaques, la prévalence des maladies qui causent l’insuffisance cardiaque diastolique et aggravent ses symptômes – hypertension, fibrillation auriculaire et diabète – a aussi augmenté durant la période de l’étude, alors que la prévalence de la maladie coronarienne est restée stable.
Femmes, âge, HTA, FA.
L’insuffisance cardiaque diastolique représente donc maintenant plus de la moitié des cas d’insuffisance cardiaque et affecte davantage les femmes, en particulier les femmes âgées, et les personnes ayant une hypertension ou une fibrillation auriculaire.
Une conclusion principale des deux études est inattendue : les patients affectés d’insuffisance cardiaque diastolique ont des taux de mortalité à un an et à cinq ans qui sont équivalents ou à peine inférieurs à ceux des patients insuffisants cardiaques systoliques. Les taux de décès de 22 et 29 % un an après la sortie de l’hôpital chez les patients ayant une insuffisance cardiaque diastolique et de 65 % cinq ans après la sortie de l’hôpital est un rappel que cette affection est létale, note le Dr Aurigemma (University of Massachusetts Medical School, Worcester) dans un éditorial associé.
«Cela va à l’encontre de l’idée selon laquelle le taux de survie chez les patients insuffisants cardiaques est inversement lié à la fraction d’éjection, tout au moins pour les fractions d’éjection inférieures à 45%», remarque le Dr Aurigemma. Il explique la divergence des résultats avec ceux des précédentes études par les caractéristiques des patients, ainsi que la reconnaissance de plus en plus grande de l’insuffisance cardiaque diastolique. Il souligne que seuls les patients qui ont survécu assez longtemps pour sortir de l’hôpital ont été étudiés ; dès lors, il est possible qu’une plus grande mortalité hospitalière des patients insuffisants systoliques ait échappé aux études. De plus, l’âge moyen plus élevé chez les patients ayant la forme diastolique exposait à un plus grand risque de complications de maladies coexistantes.
De façon importante, alors que les taux de survie chez les patients ayant une insuffisance cardiaque systolique se sont améliorés durant l’étude d’Owan et coll., aucune amélioration n’a été observée pour l’insuffisance cardiaque diastolique.
La recherche.
«La recherche nous a aidés à découvrir de nombreux traitements pour l’insuffisance cardiaque systolique (médicaments, dispositifs et interventions chirurgicales) afin de contrecarrer les mécanismes qui causent ou aggravent cette forme, et nous avons constaté les bénéfices établis de ces traitements dans de grandes études cliniques. Cette approche doit maintenant être élargie à l’autre moitié de l’épidémie d’insuffisance cardiaque, les patients ayant une insuffisance cardiaque diastolique», estime le Dr Redfield.
«Ces nouvelles ne sont pas complètement mauvaises», note pour sa part le Dr Aurigemma dans l’éditorial. «L’amélioration de la survie observée chez les patients ayant une insuffisance cardiaque systolique laisse espérer que les stratégies thérapeutiques émergentes pour l’insuffisance cardiaque diastolique, comme l’usage des inhibiteurs du récepteur de l’angiotensine, pourraient finalement avoir un effet clinique. Nous ne devrions pas non plus négliger les mesures préventives efficaces (comme le traitement antihypertenseur), car il n’y a pas de traitement efficace contre le vieillissement. La prévention d’un premier infarctus du myocarde, ou de sa récidive, risque d’être le meilleur moyen que nous ayons pour garder la fraction d’éjection “préservée”. Toutefois, conclut-il, le développement d’approches de prise en charge, spécifiques et efficaces, pour l’insuffisance cardiaque diastolique doit aussi devenir une haute priorité.»
« New England Journal of Medicine », 20 juillet 2006, pp. 251 et 260, 308.
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