A TTENTION, danger ! Les bornes sont aujourd'hui dépassées : Jean-Jacques Bertrand, le président du Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP) s'emporte contre la politique gouvernementale en matière de médicament.
Le fait qu'Elisabeth Guigou ait organisé son « Grenelle de la santé » avec l'ensemble des professionnels de santé libéraux, mais n'y ait pas invité l'industrie pharmaceutique, pourtant « acteur essentiel de la politique de santé », dit-il, ajoute encore au courroux du président du SNIP. « Il n'est pas possible, estime-t-il, de faire des réformes du système de soins sans y inclure le médicament ».
Et des réformes, l'industrie pharmaceutique en attend et en demande, notamment en ce qui concerne le système de maîtrise des dépenses qui lui est imposé et les sanctions financières qui en découlent. Le Parlement fixe en effet, chaque année, lors de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, en dehors de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie, un taux de croissance limite pour les dépenses de médicaments remboursables. Le taux fixé en 2000 à 2 % se traduira, affirme Jean-Jacques Bertrand, par des reversements qui devraient atteindre 3 milliards de francs, soit « 3,3 % du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique, contribution à laquelle il faut ajouter l'imposition normale des sociétés et diverses autres taxations déjà imposées à notre secteur d'activité ».
Des taux « irréalistes »
En 2001, la facture pourrait être encore plus douloureuse, puisque la loi de financement, si elle fixe le taux de croissance des dépenses de médicaments remboursés à 3 %, spécifie cependant que les laboratoires devraient reverser 70 % des dépassements si la progression atteint les 4 %. Et pour Jean-Jacques Bertrand, ce taux est irréaliste, d'autant plus que les innovations attendues en matière de médicaments vont augmenter dans des proportions sensibles les dépenses de prescriptions. Conséquences : les pénalités des laboratoires risquent d'être une nouvelle fois salées. Ces taxes « sont confiscatoires, insiste encore le président du SNIP, et portent en germe la non-demande de remboursement pour de prochaines innovations thérapeutiques. ». Elle dissuadent aussi, poursuit-il, de « localiser en France des activités de recherche-développement et de production ». Bernard Lemoine, président délégué du SNIP, affirme que, lors des fusions de laboratoires, « ce n'est plus la France qui est le plus souvent choisi comme lieu d'implantation du centre de production ou de recherche de la nouvelle société ainsi créée ».
Pas de remise en cause de la politique conventionnelle
Reste que l'assurance-maladie et le gouvernement, qui définit la politique du médicament, ne peuvent rester silencieux devant le montant des dépenses de prescriptions de médicaments qui aurait progressé de 11,8 % en 2000. Une progression qui est à comparer avec celle du chiffre d'affaire de l'industrie en médicaments remboursables, que le SNIP situe à 8,83 %. Mais pour Bernard Lemoine, cette différence s'explique en partie par le report sur 2000 de certains remboursements qui devaient être imputés au budget 1999. Mais, même à ce niveau, les dépenses sont très éloignées du taux de progression fixé par la loi de financement de la Sécurité sociale. « La France, proteste Jean-Jacques Bertrand, a des taux de croissance des dépenses de médicaments inférieurs à ceux des autres pays développés, hormis l'Allemagne, qui a mis en place un système de rationnement des soins. »
Et « il ne faut pas faire croire aux Français qu'il serait possible, sauf à adopter des méthodes très contraignantes et des restrictions pour certaines catégories de patients, de faire baisser cet accroissement (de dépenses de médicaments remboursables) à un niveau très inférieur ». En clair, pour l'industrie pharmaceutique, les objectifs imposés « sont intenables », sauf à instaurer un rationnement drastique des soins ou à interrompre toute activité ».
Faut-il que « nous refusions de produire nos médicaments dès novembre, pour respecter le taux fixé »?, conclut, un rien provocant, le président du SNIP qui, tout en plaçant le gouvernement devant ses responsabilités, n'envisage pas, pour l'instant, d'appeler les industriels à dénoncer la politique conventionnelle, ( « malgré sa logique comptable »), qui lie les industriels au Comité économique des produits de santé.
Vingt et un médicaments innovants l'an dernier
L'année 2000 aura été une belle cuvée sur le plan des innovations pharmaceutiques. C'est ce qu'affirme le Dr Bernard Avouac, ancien président de la commission de la transparence, chargée de décider le remboursement ou non des médicaments.
Sur 251 dossiers présentés au remboursement à la commission en 2000, elle en a accepté 220, dont 8 ont obtenu le label le plus recherché, « Amélioration du service médical rendu majeure », et 13 la mention « Amélioration du service médical rendu importante ».
Pour le Dr Avouac, en cardiologie, en rhumatologie, dans la prise en charge du SIDA, en hépatologie, en ophtalmologie, dans l'asthme, etc., les « progrès thérapeutiques ont été indéniables et, dans tous les domaines, la maladie recule année après année ».
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