P OUR sa troisième édition, JONAS (Journées sur l'obésité et la nutrition appliquées à la santé) a élargi le champ de sa réflexion aux aspects non strictement cliniques de l'obésité et de la nutrition en général. La conférence de Daniel Tomé, professeur à l'INAGP (Institut national d'agronomie Grignon, Paris), sur le rôle de l'industrie agroalimentaire dans l'évolution de l'alimentation en est l'illustration.
Le consommateur est en partie conditionné par l'offre alimentaire. Cela existe depuis toujours ; l'élément nouveau est l'extrême rapidité des changements qui fait perdre leurs repères aux consommateurs. La première grande révolution alimentaire a coïncidé avec l'apparition de l'agriculture. Elle s'est traduite par le développement des cultures céréalières et de l'élevage, qui a conditionné les alimentations régionales dépendantes des productions. Une deuxième révolution est intervenue au XIXe et surtout au XXe siècle avec l'industrialisation. Tout d'abord l'évolution de la production agricole a élargi l'offre des produits végétaux et animaux qui sont devenus plus facilement accessibles à tous (dans les pays riches). On est ensuite passé très rapidement d'une consommation de produits directement issus de l'agriculture ou peu transformés à des produits fortement transformés par l'industrie agroalimentaire.
La perte des repères culturels
Depuis, ce phénomène n'a cessé de s'accentuer. Il existe maintenant des structures de distribution et de commercialisation à grande échelle, gommant les barrières régionales et nationales de production. Si bien que la mise en place lente et progressive des différentes traditions alimentaires servant de repères aux individus n'existe plus. L'expérience des générations antérieures, qui permettait de composer spontanément un régime équilibré à partir de son environnement alimentaire (exemple, le régime méditerranéen), n'est plus pertinente car tout change trop vite. En effet, le comportement des consommateurs est conditionné par de nombreux facteurs d'ordre biologique, émotionnel, hédonique et surtout socioculturel. « L'industrie et la grande distribution ont désormais un pouvoir et une responsabilité non négligeables dans la façon de manger », estime Daniel Tomé.
« Elles interviennent de façon croissante à deux niveaux clés déterminant la consommation : d'une part, l'information et, d'autre part, l'environnement alimentaire. ». La majorité des produits issus de l'innovation agro-industrielle actuellement consommés n'existaient pas avant les années quatre-vingt. De plus, la vitesse de renouvellement de l'offre s'accélère. Parallèlement, l'équilibre entre les différents nutriments a changé. Enfin, les modes de consommation eux-mêmes se sont modifiés, avec une très forte augmentation de la consommation hors foyer, impliquant quasiment toujours des produits industrialisés.
Eduquer et réglementer
Face à des changements aussi profonds et aussi rapides, le consommateur ne parvient plus à organiser son alimentation, avec un risque de déstructuration des repas et de déséquilibre nutritionnel.
Les structures industrielles de transformation et de distribution doivent prendre ces éléments en compte et, pour cela, avoir des cadres et des ingénieurs informés et conscients des conséquences de ces évolutions. Il faut établir des règles du jeu correspondant à la situation nouvelle. Ces règles du jeu doivent définir clairement ce que l'on peut faire et ce que l'on ne peut pas faire dans le domaine de la production et de la distribution des nouveaux produits alimentaires. Il faut également sensibiliser et former les acteurs de la production, de la distribution et de la communication alimentaires pour qu'ils comprennent les enjeux de cette réglementation et qu'ils prennent en compte les limites des capacités d'adaptation des consommateurs aux variations de l'environnement alimentaire. Il faut aussi préparer les consommateurs aux nouveaux contextes alimentaires. Les professionnels de santé ont là un rôle important à jouer, encore faut-il qu'ils soient eux-mêmes correctement informés et formés. L'école et les médias ont aussi leur place. « Communication, information et éducation nutritionnelles sont déterminants pour arriver à une situation plus satisfaisante », conclut Daniel Tomé.
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