DE NOTRE CORRESPONDANT
LA COMPOSITION, la fabrication, la mise sur le marché et la surveillance des médicaments font l’objet de règlements européens, mais leurs prix restent fixés à l’échelle nationale, si bien que le même médicament peut valoir deux fois plus dans un pays que dans un autre. Cette absence d’unité des prix, combinée à la libre circulation des médicaments dans l’Union, est à l’origine du phénomène des importations parallèles, d’abord apparu dans le nord de l’Europe, où les médicaments sont beaucoup plus chers qu’ailleurs.
Les grossistes scandinaves, britanniques et allemands ont commencé à acheter des médicaments en Espagne, au Portugal ou en France, quelle que fût leur origine, avant de les reconditionner et de les revendre dans leur propre pays. La différence de prix souvent considérable entre le pays d’achat et le pays de vente est partagée ensuite entre le grossiste, le pharmacien et le payeur, que celui-ci soit un système de santé ou un particulier. L’industrie pharmaceutique s’est vite élevée contre les importations parallèles : elle a mis en avant leur danger potentiel et les conséquences pour l’innovation et la recherche. Malgré plusieurs procès opposant industriels et importateurs, le phénomène continue de se développer.
Quatre pour cent du marché européen.
Aujourd’hui, les importations parallèles représentent environ 4 % du marché total des médicaments en Europe, soit près de 4 milliards d’euros. Les plus gros importateurs sont la Grande-Bretagne, le Danemark, les Pays-Bas et l’Allemagne, où le prix du médicament est élevé.
Au Royaume-Uni, les importations parallèles ont représenté jusqu’à 16 % du total des médicaments vendus, et ont chuté à 13,5 % actuellement, car de nombreuses firmes ont diminué leurs prix de vente sur place. En Allemagne, elles oscillent entre 7 et 10 %, et les caisses maladie comme les pharmaciens sont obligés d’acheter au moins 5 % de tous leurs médicaments en parallèle, pour que les prix baissent.
La France était jusqu’à présent un grand exportateur de médicaments en parallèle, en raison de ses prix, mais n’avait pas le droit d’importer. Cette interdiction a été levée en 2006, sous la pression de la Commission européenne, et deux médicaments, le Permixon et le Coversyl, devraient être disponibles en parallèle au début de 2007. Le grossiste répartiteur Cerp Lorraine a créé dans ce but une société d’importation, Pharma Lab. Son calcul est simple : acheter ces médicaments au moins 30 % moins cher à l’étranger, pour les revendre en France environ 10 % moins cher que le prix français normal.
Pharma Lab a obtenu une « autorisation d’importation parallèle » pour ces produits, et connaîtra prochainement le prix qui sera défini pour ces spécialités en version parallèle. Pour que le parallèle soit rentable, explique le président de la Cerp Lorraine, Michel Mathieu, il faut que la différence de prix permette de rémunérer l’importateur et le pharmacien, tout en dégageant une économie pour le payeur, institutionnel, le système de protection sociale, ou particulier. Si le pari de ces deux premiers médicaments est un succès, Pharma Lab demandera d’autres licences, et s’attend à ce que de nouveaux importateurs arrivent sur le marché.
L’exemple des génériques.
Pour Michel Mathieu, les importations parallèles sont un facteur de régulation des prix en Europe, et représentent une nouvelle étape dans la politique du médicament : «Autrefois, personne ne croyait à la percée des génériques en France, et pourtant, aujourd’hui, ils y sont très développés» explique-t-il. Les importations parallèles auront selon lui le même succès.
L’association européenne des distributeurs actifs (Eaepc) a tenu pour la première fois son assemblée générale à Paris. Elle oeuvre pour le développement des importations parallèles au nom de la défense de la libre circulation et du libre échange. Elle rappelle que tous les produits distribués par ses adhérents sont exclusivement produits et vendus en Europe, et bénéficient des mêmes contrôles et mesures de sécurité que les médicaments classiques.
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