Prélèvements d'organes

L'expérience de l'hôpital d'Annecy

Publié le 13/04/2017
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En réanimation la mortalité est d’environ 20 % dont la moitié en relation avec une décision de limitation ou arrêt des traitements (LAT). Entre 1 et 1,5 % des admissions en réanimation sont éligibles à la procédure DDACM III.

Les décisions de LAT en réanimation doivent être collégiales avec un correspondant médical extérieur à l’équipe et partagées avec les proches. Elles font l’objet d’une construction progressive avec les proches de patients souffrant le plus souvent, à Annecy, d’encéphalopathie anoxique post-arrêt cardiaque récupéré. Ce n’est qu’une fois cette décision actée que l’abord des proches peut être réalisé en vue du prélèvement et en l’absence d’opposition.

En pratique, il est fréquent que la volonté du don d’organes soit évoquée directement par les proches et assez tôt dans la prise en charge de ces patients très gravement neurolésés. Quand le prélèvement est envisagé, les tests de sécurité sanitaire (imagerie et biologie) et d’histocompatibilité sont réalisés en amont de la date de prélèvement, souvent la veille de la réalisation de la procédure. Celle-ci est décidée conjointement avec les proches et l’idéal est de pouvoir réaliser le début de procédure dans la chambre du patient, environnement connu et apprécié par les proches. En revanche, il est difficile de prévoir le délai entre l’arrêt des traitements et le décès. Une analgésie sédation titrée, débutée ou renforcée avant l’extubation est un facteur prédictif d’une agonie courte et mieux acceptée par les proches.

Une organisation robuste, techniquement maîtrisée

La mise en place de ce programme impose une activité de prélèvements d’organes et de tissus déjà organisée avec des chirurgiens préleveurs locaux - ou le recours à une équipe chirurgicale du CHU de proximité, un soutien de la communauté médicale et de la direction.

La technique de circulation régionale normothermique (CRN) est obligatoire pour la préservation post-mortem in situ des organes. Elle est mise en œuvre dès le constat et la déclaration de décès. Parallèlement le Registre national des refus (RNR) est interrogé. La maîtrise de la CRN peut nécessiter une formation complémentaire et impose le choix préalable de la technique d’abord du scarpa, chirurgicale ou percutanée (réanimateurs) selon les compétences et disponibilités locales. La durée de CRN n’excédant pas 4 heures, il y a peu de complications en dehors de celles de l’abord vasculaire. L’hypovolémie de la CRN impose un remplissage du circuit surtout à la phase du prélèvement chirurgical au bloc. L’utilisation des machines de perfusion rénale permet un transport de qualité vers les centres transplanteurs régionaux, Grenoble et Lyon essentiellement.

Des résultats encourageants

Depuis le début d’activité, les donneurs Maastricht III représentent environ 30 % de l’activité globale d’Annecy. En 2016, il y a eu 21 donneurs en mort encéphalique prélevés et 7 donneurs Maastricht III. Passée la phase initiale, les résultats sont encourageants pour la faisabilité du prélèvement, la qualité des greffons et la reprise rapide des fonctions rénales et hépatiques.

L’ensemble du travail préparatoire et la collaboration encore plus étroite autour du donneur et ses proches entre réanimation et coordination améliorent globalement les préoccupations autour du don d’organes et de tissus mais aussi l’accompagnement de fin de vie en réanimation. La compréhension et l’acceptation du protocole par les proches sont bonnes. À Annecy, après un premier contact au décours de l’entretien « abord des proches », la psychologue recontacte la famille un mois après le décès. Les proches n’évoquent jamais la question éthique de la finalité de l’AT évoquée par les sociétés savantes en début de procédure (« mais vous arrêtez les traitements pour prélever les organes ? »). Le conflit d’intérêts n’est ni évoqué spontanément ni révélé par l’entretien. Seule la douleur liée au décès, aux circonstances de réanimation est évoquée par les proches qui peuvent bénéficier d’une aide structurée si besoin. L’accompagnement des équipes de réanimation, jeunes et partiellement renouvelées depuis le début, doit être permanent et une procédure de briefing avant chaque procédure est indispensable.

Les donneurs de la catégorie III de Maastricht représentent une réelle opportunité pour les patients en attente de transplantation rénale, hépatique et pulmonaire. Ils vont conduire à une augmentation significative du nombre de prélèvements et de transplantations et les établissements hospitaliers doivent se préparer à cette éventualité. 

Médecin coordinateur de prélèvements d’organes et de tissus, CH Annecy Genevois, vice-président de la Société francophone de médecine du prélèvement d’organes et tissus (SFMPOT)
Antoine C., Mourey F, Prada-Bordenave E and Steering committee on DCD program. How France launched its donation after cardiac death program. Ann F Anesth Rea 2014 33:138–43
Vidéogrammes réalisés par le CHANGE pour la mise en place du programme DDAC Maastricht 3. http://www.youtube.com/playlist?list=PL3L_o1S1Vrmx0iSbgJuAt3m0s9hvFzCPV

Dr Didier Dorez

Source : Bilan Spécialiste