L A Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) entend jouer un rôle actif dans la concertation qui s'est engagée avec les professionnels de santé, la semaine dernière, sous la houlette de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Elisabeth Guigou.
Sans attendre le début des discussions, elle a rendu publique une plate-forme de propositions cosignée par les deux autres caisses d'assurance-maladie, qui apparaît comme une alternative à la politique actuelle de maîtrise des dépenses de santé (« le Quotidien » du 29 janvier).
Plus surprenant, ces propositions rejoignent sur de nombreux points, les revendications des syndicats médicaux avec lesquels le dialogue s'est révélé pourtant impossible au cours de ces dernières années.
Cette tentative de renouer le dialogue avec le corps médical s'explique par la position extrêmement délicate dans laquelle se trouve actuellement la CNAM. Sa politique, fruit d'une alliance entre le Medef et la CFDT sur la base du plan Juppé, est aujourd'hui contestée jusqu'au sein même de la majorité de gestion notamment par la CGC et la CFTC qui lui reprochent d'avoir contribué à conduire le système conventionnel dans une impasse.
Par ailleurs, son autonomie de gestion, loin d'être renforcée, a été singulièrement amoindrie par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2000 qui ne laisse dans son champ d'action qu'une partie seulement des dépenses d'assurance-maladie.
Après une première tentative malheureuse - son plan stratégique de réforme du système de soins a été rejeté à la fois par les professionnels et par le gouvernement - la CNAM essaie donc une nouvelle fois de reprendre la main et de relancer le processus conventionnel.
« Les caisses d'assurance-maladie évoluent dans le diagnostic et les remèdes. Nous sommes, à quelques nuances près, d'accord sur l'essentiel », constate avec un certain amusement le Dr Michel Chassang, président des médecins généralistes de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF).
La prudence des médecins
Dans l'ensemble, les syndicats médicaux qui, depuis cinq ans, s'opposent, à l'exception de MG-France, à la politique conduite par la CNAM, restent cependant prudents vis-à-vis de ce qui pourrait apparaître comme une ouverture majeure. « Je constate que ce texte n'a pas été soumis à une délibération des instances de la CNAM. Il n'y a pas, en l'état, de commentaires à faire », estime le Dr Jean Gras, président de la Fédération des médecins de France. « J'ai peur d'être le jouet d'un autre bras de fer (entre l'assurance-maladie et l'Etat - NDLR) . Les caisses donnent l'impression de tendre la main, mais nous ne savons pas s'il y a une réelle volonté d'aboutir. Pour l'instant, je constate dans les faits, qu'elles s'inscrivent toujours dans la même démarche », ajoute de son côté le Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML).
Pour les représentants des médecins, la prochaine rencontre avec les responsables de la CNAM, en principe à l'occasion du premier rapport d'équilibre pour 2001 (voir encadré), sera donc l'occasion de tester leur détermination.
« La CNAM constate que le système actuel est un échec et que le système conventionnel a touché le fond. Quand va-t-elle dénoncer la convention actuelle ? », s'interroge, un brin provocateur, le président de l'UNOF. « Peut-on dire publiquement que les lettres clés flottantes sont une bêtise et continuer à les appliquer ?», enchérit le Dr Cabrera.
Engagés depuis plusieurs semaines dans des discussions avec FO, la CGT, la CGC et la CFTC sur l'avenir du système conventionnel, ces trois syndicats médicaux estiment que cette démarche parallèle de réflexion est pour beaucoup dans le changement de discours de la CNAM. Ils renouvellent donc leur invitation en direction de la CFDT, qui préside la CNAM. « S'il y a une réelle volonté de discussion, pourquoi ne pas engager le dialogue tout de suite ?, poursuit le président du SML. Rien ne nous a jamais empêchés de nous mettre d'accord ensemble et de nous retourner ensuite vers le gouvernement. »
L'objectif des dépenses déléguées à la CNAM n'est toujours pas fixé
Le gouvernement ayant refusé d'accorder un moratoire sur le dispositif de maîtrise des dépenses de santé, les mécanismes mis en place depuis l'année dernière sont théoriquement toujours en vigueur.
Dans ce cadre, la Caisse nationale d'assurance-maladie dispose, au sein de l'enveloppe des dépenses de soins de ville, d'une enveloppe comprenant les honoraires des professionnels de santé dont elle assume directement la gestion : c'est l'objectif des dépenses déléguées (ODD).
C'est la gestion de cette enveloppe qui donne lieu à un rapport d'équilibre remis trois fois par an au gouvernement et qui peut conduire la CNAM à modifier les tarifs des actes de professionnels de santé. Or ni le champ de l'enveloppe des soins de ville, ni l'objectif des dépenses déléguées, qui doivent normalement être négociées avec la CNAM, n'ont pour l'instant été arrêtés par le gouvernement, alors que cela doit théoriquement être fait dans les quinze jours qui suivent la publication de la loi de financement de la Sécurité sociale. Difficile dans ces conditions pour la CNAM de préparer le premier rapport d'équilibre qui doit être théoriquement remis au plus tard le 15 février. A moins que les pouvoirs publics aient souhaité éviter que les négociations entre la CNAM et les professionnels de santé, qui s'annoncent pour le moins difficiles, interfèrent avec la concertation qu'ils viennent de mettre sur les rails.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature