DEPUIS le 16 décembre 1999, les maladies rares bénéficient, en Europe d’une définition objective. A l’initiative de la France, un règlement sur les médicaments orphelins, a été adopté pour inciter l’industrie pharmaceutique à promouvoir la recherche, le développement et la commercialisation de molécules destinées à diagnostiquer, à prévenir ou à traiter des maladies «si peu fréquentes que le coût de développement et de la mise sur le marché ne serait pas amorti par les ventes escomptées du produit». Pour qu’une maladie puisse être considérée comme orpheline, sa prévalence ne doit pas dépasser cinq cas pour 10 000 personnes d’une population, soit, en France, moins de 30 000 personnes. On dénombre près de 7 000 maladies rares mais cette entité commune se caractérise par une très grande diversité et hétérogénéité. Une cinquantaine d’entre elles touchent chacune quelque milliers de personnes, d’autres quelques centaines, voire quelques dizaines de personnes. En France, la drépanocytose concerne quelque 15 000 malades, la sclérose latérale amyotrophique 8 000, la mucoviscidose de 5 000 à 6000, alors que, pour la progeria (vieillissement précoce), on ne compte que quelques cas dans notre pays et moins de cent dans le monde. Leur rareté est donc relative et on estime que de 6 à 8 % personnes pourraient être concernées dans le monde, soit 4 millions en France et près de 30 millions en Europe ou en Amérique du Nord.
Les maladies rares sont des affections graves, chroniques, invalidantes qui nécessitent des soins spécialisés, lourds et prolongés. Elles se caractérisent par un début précoce : deux fois sur trois, elles surviennent avant l’âge de 2 ans, entraînant des douleurs chroniques chez un malade sur cinq, un déficit moteur, sensoriel ou intellectuel chez la moitié d’entre eux avec une perte de l’autonomie dans un cas sur trois. Surtout, elles mettent en jeu le pronostic vital dans presque la moitié des cas et expliquent 35 % des décès survenant avant l’âge de 1 an, 10 % entre 1 et 5 ans et 12 % entre 5 et 15 ans.
La souffrance des patients et de leur famille est souvent aggravée par le désespoir psychologique, le manque d’espoir thérapeutique et l’absence d’accompagnement.
Cependant, en raison de la rareté même des pathologies, les autorités de santé et les associations de malades ont compris que l’industrie pharmaceutique serait «peu encline à développer des médicaments (diagnostiques, thérapeutiques ou préventifs) dans les conditions normales du marché».
Le règlement européen, entré en vigueur en avril 2000, répond à ce défi. Il s’est accompagné de la création, au sein de l’Agence européenne des médicaments (Emea), d’un comité chargé d’examiner les demandes de désignation en tant que médicament orphelin, qui peuvent être déposées à n’importe quelle étape de l’élaboration d’un médicament, dès la phase préclinique. L’exclusivité commerciale pour une période de dix ans après l’attribution de l’autorisation de mise sur le marché constitue l’une des principales mesures d’incitation proposée aux entreprises pharmaceutiques. Durant cette période, des produits similaires directement concurrents ne peuvent pas être commercialisés et n’auront pas d’AMM.
Un million de malades.
Cinq ans après sa mise en oeuvre (avril 2000 à avril 2005), 458 projets ont été soumis au comité, 268 médicaments ont reçu l’appellation, dans le domaine du cancer (36 %), des maladies métaboliques (21 %), immunologiques (11 %), cardio-vasculaires ou respiratoires (12 %). Vingt-deux ont déjà reçu leur autorisation de mise sur le marché pour vingt maladies rares, dont huit qui ne bénéficiaient jusque-là d’aucun traitement. Selon le dernier rapport de la Commission européenne, «plus de 1million de patients atteints de maladies orphelines dans l’Union européenne peuvent aujourd’hui bénéficier des nouveaux traitements». Parmi les molécules disponibles, le Fabrazyme (alpha-galactosidase A, Genzyme) ou le Replagal (alpha-galactosidase A, TKT Europe As) pour la maladie de Fabry, le Glivec (imatinib mésilate, Novartis) pour le traitement de la leucémie myéloïde chronique. Depuis leur AMM en 2001, on estime que 1 000 patients ont reçu soit du Fabrazyme soit du Replagal, tandis que 35 000-37 000 ont pu être traités par Glivec. Il semble bien que le règlement ait eu une action positive sur l’innovation. Il a favorisé le développement de nouvelles start-up de biotechnologies (un tiers ont été créés après 2000) et l’investissement dans la recherche et le développement a doublé entre 2000 et 2004, augmentant plus rapidement pour les maladies rares que pour les autres.
Parmi les produits soumis au comité, 53 % sont des produits innovants et 21 % sont issus des biotechnologies (anticorps mono- clonal, enzyme recombinant). Quant à leur coût, selon une étude menée par Alcimed en France et aux Pays-Bas, les médicaments orphelins correspondraient, pour chaque Etat, à 0,7-1 % du budget consacré aux médicaments. En France, le coût annuel moyen par patient serait de 120 000 -129 000 euros. A Eurordis, créé en 1997 sur le modèle de l’association américaine et qui regroupe environ 250 associations de 34 pays, le Dr François Faurisson se refuse à parler de coûts de traitements. «Considérer le coût d’un médicament isolément de ce que cela peut changer dans la prise en charge de la maladie et sans prendre en compte le petit nombre de patients traités n’a pas de sens, explique-t-il. Pourquoi faudrait-il justifier le droit à l’accès égal au médicament alors qu’on ne le fait pas dans d’autres cas? C’est une forme de stigmatisation d’une catégorie de malades qui n’a pas la chance d’être dans la majorité en termes de pathologie. En tant qu’association de patients, ce type de discussion est inacceptable. Ce qui coûte le plus cher, ce sont tous les malades pour qui le diagnostic n’a pas été fait et qui vont de traitement en traitement. De plus, quand un laboratoire prend le risque d’investir dans un domaine tel que celui-là, c’est normal qu’il y ait un retour sur investissement. C’est la condition minimale pour que des travaux soient réalisés.» Eurordis siège au sein du Comité des médicaments orphelins (deux des trois sièges réservés aux représentants des association) et, à ce titre, le Dr Faurisson préfère mettre l’accent sur l’avantage médical que représente, pour les patients, une telle organisation à l’échelle européenne : «Cela nous permet d’atteindre la taille critique indispensable à la réalisation des études multicentriques», conclut-il.
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