Les médecins allemands rappellent leur engagement aux côtés des réfugiés

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Publié le 27/05/2016
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Crédit photo : AFP

Déterminés à poursuivre la prise en charge médicale des réfugiés d’où qu’ils viennent et aussi longtemps qu’il le faudra, les médecins allemands attendent toutefois plus de soutien des administrations sociales et sanitaires, dont la « rigidité » administrative complique trop souvent leur tâche. Ils souhaitent que tous les réfugiés obtiennent rapidement des cartes d’assurés sociaux, qui leur permettent d’avoir accès aux soins de santé comme n’importe quels patients.

L'Ordre rend hommage aux médecins

Les soins aux réfugiés ont constitué l’un des thèmes principaux du 119e congrès annuel des médecins allemands, qui vient de se tenir à Hambourg, et durant lequel le président de l’Ordre, le Dr Frank Ulrich Montgomery, a rendu hommage « aux milliers de médecins qui, bénévolement et en plus de leur travail habituel, ont offert leur assistance aux réfugiés qui sont pour nous des patients comme les autres ».

Il n’en reste pas moins que l’Ordre et les organisations professionnelles réclament des mesures concrètes pour mieux intégrer les réfugiés dans le système de santé. Quatre des 15 régions allemandes accordent des cartes d’assurés sociaux aux réfugiés mais dans les 11 autres, ceux-ci doivent d’abord passer par les bureaux d’aides sociales pour obtenir une prise en charge, ce qui complique et ralentit les soins.

Si les réfugiés peuvent présenter une carte d’assuré social, que leur accordent parfois aussi certaines communes, ils sont pris en charge par l’assurance maladie publique. Dans le cas contraire, ce sont les bureaux d’aide sociale qui dédommagent les médecins, avec des montants qui varient du simple au double et qui doivent selon eux être rapidement harmonisés. En outre, de nombreux médecins continuent de soigner bénévolement les réfugiés encore installés dans des camps de transit, et gérés par des associations humanitaires.

Des différences d'une région à l'autre

« Ce bénévolat ne pourra pas se poursuivre éternellement », relève toutefois l’Ordre des médecins. Les 250 médecins qui représentent, dans le cadre du Congrès annuel, l’ensemble de la profession médicale, réclament aussi plus de clarté et de logique en ce qui concerne les affections prises en charge par les assurances sociales : théoriquement, seules les affections et maladies qui se sont déclarées après l’arrivée des réfugiés en Allemagne sont prises en charge, mais pas les soins liés à des affections chroniques plus anciennes.

Cette situation est toutefois difficile à gérer sur le plan pratique, et entraîne des différences considérables de traitement d’une région, voire d’une ville à l’autre, puisque les remboursements dépendent en partie d’autorités locales. Les médecins demandent par ailleurs à la sécurité sociale de financer des postes de traducteurs, qui pourront accompagner les réfugiés lors de leurs consultations médicales chez les médecins libéraux ou à l’hôpital.

Patients souffrant de syndrome post-traumatique

De plus, les médecins et les autorités s’affrontent sur le sort à réserver aux patients souffrant de syndrome post-traumatique. Les médecins insistent sur l’importance de prendre en charge ces troubles, alors que l’État considère que le fait de souffrir de ces syndromes n’est pas un motif suffisant pour ne pas renvoyer chez lui un réfugiés dont la demande d’asile a été refusée.

Plus globalement, le gouvernement estime que l’état de santé d’un réfugié malade ne peut pas empêcher une expulsion, sauf si l’arrêt des traitements liés à ses maladies menace sa vie. Enfin, l’Ordre souhaite que les certificats médicaux et attestations permettant à des réfugiés de rester en Allemagne pour raison de santé ne soient délivrés que par des médecins spécialement formés à ce type d’expertise, lesquels doivent aussi pouvoir disposer du temps nécessaire pour réaliser un diagnostic fiable et précis.

 

Germanwings : l'Ordre accuse la compagnie d'avoir négligé le suivi psychologique

Revenant, lors de son discours d’ouverture du Congrès, sur la polémique liée au secret médical lors de la catastrophe de la Germanwings, en mars 2015, le président de l’Ordre, le Dr Frank Ulrich Montgomery a rappelé que la catastrophe aurait pu être évitée non pas en forçant les médecins à rompre leur devoir de secret, mais en imposant un meilleur suivi des pilotes au sein de leur compagnie aérienne. 

Selon lui, la Lufthansa, maison mère de Germanwings, a négligé le suivi psychologique de ses personnels, en se contentant d’un suivi purement médical, pour des raisons d’économie et d’organisation, « dont les médecins traitants ne sauraient être tenus responsables ».

Se félicitant que le Parlement, après la catastrophe, ait refusé la levée du secret médical pour les pilotes et autres conducteurs de trains ou de bus, le Dr Montgomery a rappelé que « plus aucun capitaine, pilote ou conducteur ne ferait confiance à leurs médecins traitants si un diagnostic établi par l’un d’entre eux risquait de mettre un terme prématuré à leur carrière ».

 

De notre envoyé spécial Denis Durand de Bousingen

Source : lequotidiendumedecin.fr