E N substance, l'hyperventilation est à la base de l'AIE. Elle entraîne une perte de chaleur, une déshydratation et, par conséquent, une hyperosmolarité du liquide péribronchiolaire. A l'arrêt de l'effort, le réchauffement est responsable de la bronchoconstriction : il existe une relation significative entre la diminution du VEMS et l'importance des variations thermiques mesurées 15 secondes après l'arrêt de l'exercice physique. Ce qui est important, c'est le delta de la température à la surface de la muqueuse bronchique. L'activité physique peut donc provoquer une « inflammation vasomotrice » avec production de médiateurs, principalement l'histamine, les leucotriènes et le NO. Les leucotriènes (LT) ont un effet bronchoconstricteur mille fois supérieur à celui de l'histamine. Une étude montre que l'excrétion urinaire des LTE4 après l'exercice est 2,5 fois plus importante chez l'asthmatique que chez les témoins (en moyenne, 248 versus 105 pg de LTE4/ml de créatinine) à partir de taux initiaux avant l'exercice identiques dans les deux groupes (110 versus 113 pg de LTE4/ml de créatinine) (1). Pour le NO de l'expectoration, le constat est comparable : les taux sont significativement plus élevés chez les asthmatiques ayant un AIE, comparés aux asthmatiques sans AIE et aux témoins (2).
Le risque d'AIE dépend du type d'effort : nager est moins « asthmogène » que courir, mais il y a des susceptibilités individuelles (asthme lié à la chloration excessive des piscines). Il faut aussi tenir compte des facteurs surajoutés : atopie, « stress », allergènes, virus, polluants. Les asthmatiques les plus exposés à l'AIE sont ceux qui effectueraient un « footing » en période pollinique dans une agglomération à forte circulation automobile... ce qui concerne de nombreux habitants des grandes villes de France, à commencer par Paris. Sans compter les malheureux écoliers dont la cour de récréation jouxte une grande gare et un périphérique !
En dehors des incantations humoristiques (aller vivre à la campagne ou en permanence au-dessus de 1 500 mètres), ce que tous les asthmatiques ne peuvent évidemment se permettre de faire, il faut prévenir systématiquement l'AIE. Jocelyne Just cite les moyens disponibles : (I) respirer par le nez ; (II) utiliser un masque anti-froid ... mais ce n'est pas simple de courir avec ; (III) adopter un régime peu salé ; (IV) alterner les exercices brefs (de 15 à 30 secondes) et les phases de repos (de 60 à 90 secondes)... mais il faut aimer ; (V) utiliser des médicaments préventifs ? C'est évidemment la meilleure solution, avec l'échauffement préalable trop souvent oublié. L'auteur termine sa présentation par une diapositive instructive où figurent les différents médicaments de l'AIE selon leur efficacité décroissante symbolisée par un triangle à base supérieure et à sommet inférieur avec, du haut vers le bas les bêta 2-mimétiques, les anti-LT, les cromones et la théophylline. Les anti-LT réduisent l'impact des facteurs impliqués dans l'AIE (contraction des fibres musculaires lisses des bronches, perméabilité vasculaire, sécrétion de mucus, synthèse du NO) (3, 4). Le montelukast possède l'AMM dans la prévention de l'AIE en monothérapie continue. C'est un médicament intéressant par son action rapide, l'absence d'épuisement de son efficacité, son excellente acceptabilité (prise orale), en particulier chez le jeune enfant, son effet additif aux corticoïdes par inhalation.
A un moment où, comme le démontre l'étude AIRE, l'asthme est mal ou non maîtrisé dans un cas sur deux, il est important de disposer d'une panoplie thérapeutique étendue, sans oublier l'éducation des patients, sans laquelle aucun progrès significatif ne sera possible.
1. Kikawa Y. et al. « JACI » 1992 ; 89 : 1111-9.
2. Kanazawa H. et al. « JACI » 2000 ; 106 : 1081 ; 106 : 1081-7.
3. Bisgaard H. « Am. J. Respir. Crit. Care Med. » 1999 ; 160 : 1227-31.
4. Edelkman J. M.« Ann. Intern. Med. » 2000 ; 132 : 97-104.
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