Ce portrait relève du paradoxe. Comme brosser une image « fidèle » sans toutefois réduire le sujet à ce que l’on a perçu de lui au cours d’une conversation, d’un échange ? Cette simple question est soulevée par Anne Lécu dans ses livres. « On n’a pas à décider de ce qui est bien ou ce qui est mal. » Tu ne jugeras pas, exige Dieu. De quel droit en effet, un portrait même bienveillant s’autorisait-il à délivrer ici un bon point, là à condamner ? Comment diable résoudre le paradoxe sans trahir la confiance de Sœur Anne, dominicaine, âgée de 50 ans qui se situe ailleurs, à la fois plongée dans le monde et hors du monde. « On nous considère comme des extraterrestres », lâche-t-elle. Pourtant rien d’étrange ou d’étranger dans ce parcours qui plonge dans la réalité du quotidien. Une foi vibrante qui s’affirme à l’adolescence. Puis un chemin qui s’ouvre avec la réussite au concours de première année de médecine. Enfin le choc en quatrième année avec les malades atteints par le VIH et que l’on ne peut alors sauver. L’engagement fait sens. L’Évangile est un instrument de combat contre le mystère insondable du mal ou de la maladie. Ne parlez pas de vocation à Anne Lécu... L’appel n’est pas mystique. Il répond à la résolution d’un problème. « Soit l’espérance est capable de porter cette énigme du malheur, soit c’est du vent. Comment la foi chrétienne supporte cette question : j’étais prête à passer ma vie à essayer de répondre à cela », explique-t-elle à la revue du Secours catholique en 2014. Quant au choix d’exercer son métier de médecin à temps partiel en prison à Fleury-Mérogis, il n’est pas davantage dicté par le désir de soigner ceux qui ont le plus besoin d’espérer ou d’être secourus mais bien par un intérêt pratique, celui de mener d’autres activités, et notamment celle de l’écriture. En prison, le Dr Anne Lécu s’occupe uniquement des corps. S’il faut sauver les âmes, les aumôniers sont là pour cela. Ce temps « libre » dégagé des activités de soin a été utilisé au mieux. Il lui a permis de mener à bien une thèse de doctorat en philosophie pratique et d’écrire des livres toujours inspirés et nourris par la vie matérielle. On peut citer l’ouvrage sur les larmes par exemple, quoi de plus humain ou le secret médical aujourd’hui plus que menacé par cette soif de transparence. Ce dernier opus où sont convoqués de multiples savoirs est d’abord un livre engagé pour la défense d’un bien commun, le secret professionnel. « La finalité du secret… est de jeter un voile, y compris sur des fautes, afin de préserver en chacun la possibilité de l’innocence. La transparence, a contrario, est accusatoire. » (page 260). Comment fait-on au fait pour jeter le voile sur la page imprimée ?
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