DE 70 à 80 % DES CANCERS du sein de stade précoce n'ont pas de ganglion axillaire palpable, mais l'absence de signes cliniques ne préjuge pas de l'état du ou des ganglions axillaires. Le ganglion sentinelle est le premier ganglion de la chaîne lymphatique axillaire et il est un témoin fiable de l'état du système lymphatique qui draine la tumeur mammaire. L'identification, la biopsie et l'analyse anatomopathologique du ganglion sentinelle comportent plusieurs avantages, dont le plus important est d'éviter un curage axillaire lorsque le ganglion sentinelle apparaît indemne.
Trois techniques.
Les ganglions sentinelles peuvent être identifiés grâce à trois techniques :
- l'injection d'un colorant lymphotrope qui, migrant dans les canalicules lymphatiques, colore le ganglion en bleu ;
- l'injection autour de la tumeur ou de l'aréole d'un colloïde marqué, qui se fixe sur le ganglion et dont la radioactivité est détectée par une sonde ;
- la combinaison des deux techniques précédentes.
Ces méthodes assurent un repérage du ganglion sentinelle dans environ 90 à 95 % des cas. Il est ainsi possible, après l'identification, de faire l'exérèse et l'examen extemporané du ganglion à la recherche de métastases. L'analyse fine par l'anatomopathologiste du ou des ganglions sentinelles au moyen de coupes sériées et d'études immunohistochimiques permet de diagnostiquer des micrométastases de moins de 2 mm. Si le ganglion est métastatique, un curage axillaire est indiqué, alors que, dans le cas contraire, celui-ci n'est pas nécessaire.
Les indications de la biopsie du ganglion sentinelle sont principalement les cancers invasifs du sein de moins de 2 cm de diamètre et les cancers intracanalaires étendus. Les contre-indications sont les tumeurs de gros volume, les cancers inflammatoires, les tumeurs multicentriques ou la présence d'un ou de plusieurs ganglions axillaires palpables.
De plus, les indications se sont actuellement élargies, dans le cadre d'essais cliniques, à certains cancers du sein traités par chimiothérapie néoadjuvante.
La biopsie du ganglion sentinelle apporte donc des éléments diagnostiques très fiables et améliore la stadification du cancer du sein, bien que la valeur pronostique des micrométastases sur la survie reste controversée. Il s'agit d'un paramètre supplémentaire pour optimiser la stratégie thérapeutique adjuvante.
L'importance de l'expérience du chirurgien.
La biopsie du ganglion sentinelle est une technique dont la sensibilité dépend des compétences du chirurgien, mais aussi du spécialiste de médecine nucléaire et de l'anatomopathologiste. L'âge de la patiente et son IMC interviennent aussi dans la réussite de l'intervention.
Les chirurgiens doivent ainsi accomplir une courbe d'apprentissage sur une trentaine d'interventions au cours desquelles la biopsie du ganglion sentinelle est complétée par un curage axillaire concomitant.
Lorsque les équipes sont bien entraînées, les faux négatifs sont très rares : 0,3 %, en moyenne. Il s'agit donc d'une technique fiable et sensible, à condition d'être pratiquée par des chirurgiens expérimentés, et peu invasive, entraînant une faible morbidité. Dans un essai multicentrique mené en 1999 sur 5 000 cas, par le groupe des chirurgiens oncologues de l'American College, on a observé 0,1 % de réactions allergiques au produit injecté, 1 % d'infections au point d'injection, un sérome axillaire dans 7,1 % des cas et un hématome axillaire chez 1,4 % des patientes. Six mois après, seulement 8,6 % des sujets souffraient de paresthésies axillaires (surtout les jeunes femmes) et 6,9 %, d'un lymphœdème de l'extrémité supérieure du bras (chez les femmes âgées). Ces données reflètent ainsi une morbidité très inférieure à celle du curage axillaire.
La biopsie du ganglion sentinelle est un standard aux Etats-Unis, comme l'a expliqué le Pr Armando E. Guiliano*, au cours d'une conférence qui s'est tenue à Eurocancer. En France, elle est pratiquée au sein d'instituts spécialisés, mais cette technique est amenée à se développer, ce qui implique une formation des chirurgiens.
Les patientes doivent être informées des risques et des bénéfices, du déroulement de l'intervention et de la nécessité éventuelle d'un curage axillaire, de préférence au cours de la même intervention.
D'après un entretien avec le Dr Jean-François Rodier, centre Paul-Strauss, Strasbourg, à la suite de la table ronde ronde sur le ganglion sentinelle qui s'est tenue à Eurocancer.
* John Wayne Cancer Institute, Santa Monica, Etats-Unis.
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