A PRES avoir entendu parler pendant des années de la surmédicalisation, on s'est habitué depuis quelque temps aux perspectives les plus pessimistes en matière de démographie médicale. En effet, sous le double effet du vieillissement du corps médical et des mesures de limitation du nombre d'étudiants en médecine, la tendance est en passe de s'inverser. Le nombre global de médecins devrait donc se stabiliser au cours de cette décennie avant de décroître rapidement.
Alertés depuis longtemps de ce phénomène par les projections démographiques et par les cris d'alarme qu'ont poussés certaines spécialités dont la décrue se fait déjà sentir, les pouvoirs publics ont mis en place de nombreux groupes de travail qui n'ont donné lieu, pour l'instant, à aucune décision ministérielle dans ce domaine.
Car la réponse à donner est plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. En effet, la diminution du nombre de médecins entraîne-t-elle forcément des risques de pénurie et si oui, celle-ci sera-t-elle généralisée ou limitée à des spécialités ou des zones géographiques ? Dans ce cas, combien de médecins faut-il former pour répondre aux besoins et comment les orienter efficacement ? Ces questions ont fait l'objet d'un séminaire de travail organisé conjointement par le conseil scientifique de la CNAM et par le CREDES et dont les actes viennent d'être publiés (1). Ils montrent à quel point l'évaluation des besoins en médecins est difficile à réaliser et n'en est aujourd'hui qu'à ses balbutiements.
Une réponse impossible
Procéder à un simple relèvement du numerus clausus serait, selon les intervenants, une réponse simpliste puisqu'elle ne joue que sur l'effectif des médecins. La densité devrait passer de 330 médecins pour 100 000 habitants aujourd'hui à 245 en 2020, soit une baisse de près de 25 %. Mais quel est, au juste, le bon niveau d'encadrement médical ? La réponse est, d'après le CREDES, presque impossible à donner.
Car si on constate que, plus il y a de médecins plus la consommation de soins est importante, il n'existe pas d'études irréfutables permettant de conclure que les médecins induiraient une consommation au-delà de la demande des patients. D'un autre côté, plusieurs paramètres, comme la féminisation du corps médical, la tendance générale à la réduction du temps de travail ou encore le vieillissement de la population, phénomènes qui devraient accroître de + 14% la demande de soins, devraient aussi amplifier la baisse réelle de la densité médicale, qui serait alors de l'ordre de 40 %.
Meilleure répartition des tâches
Toutefois « des gains de productivité » existeraient dans le système puisqu'une étude aurait démontré que l'activité actuelle des médecins généralistes pourraient être réalisée par un effectif de 12 à 14 % plus faible qu'aujourd'hui si chacun avait un niveau d'activité « normal ».
Une meilleure répartition des tâches entre professionnels pourraient également améliorer cette productivité.
La diminution du nombre de médecins va également poser de manière plus aiguë la question des déséquilibres dans la répartition géographique, par discipline et entre les fonctions. Cela suppose donc des analyses géographiques fines afin de prendre la mesure des risques locaux pour l'accès aux soins, notamment dans les campagnes isolées et les banlieues défavorisées, mais également d'évaluer les besoins par discipline en fonction de la demande de soins et des comportements et des pratiques des médecins.
Le CREDES reconnaît donc qu'il est impossible d'établir scientifiquement « le » chiffre du nombre de médecins nécessaire. D'autant qu'il dépend aussi largement du choix d'organisation des soins. Il suggère toutefois d'établir des « modélisations des besoins » qui mettent en relations les données prospectives disponibles à la fois sur la demande proprement dite (vieillissement, évolution des pathologies), mais aussi sur l'activité et l'organisation des soins (qui fait quoi ? comment se répartissent les tâches entre professionnels ? comment évolue le temps de travail ?). Des données qui sont encore aujourd'hui très parcellaires.
(1) CREDES Démographie médicale : Peut-on évaluer les besoins en médecins ?
Tél. 01.53.93.43.05.
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