Si les deux types d’apnées du sommeil, obstructives et centrales, présentes chez plus de 50 % des patients ayant une insuffisance cardiaque sont associés à un plus mauvais pronostic de la maladie, leur physiopathologie, leurs conséquences hémodynamiques, leur diagnostic et leurs traitements sont très différents.
Le cœur victime dans les ASO…
Au cours des apnées du sommeil obstructives (ASO), le cœur pourrait être considéré comme victime de l’anomalie respiratoire secondaire à l’obstruction des voies aériennes supérieures due au relâchement musculaire, aggravé par l’inflation hydrosodée des tissus interstitiels. Ces ASO prédominent dans les insuffisances cardiaques de stades 1 et 2 de la NYHA, étant plus secondaires aux maladies générant l’insuffisance cardiaque qu’à cette dernière elle-même. Les conséquences hémodynamiques des ASO sont délétères pour un cœur insuffisant ; ainsi, l’augmentation de la post-charge ventriculaire gauche secondaire à la majoration de la pression transmurale ventriculaire induite par l’augmentation de la précharge ventriculaire droite (par majoration du retour veineux lié à la diminution de la pression intrathoracique, elle-même conséquence de l’effort inspiratoire glotte fermée) et de la post-charge ventriculaire droite (par vasoconstriction artérielle pulmonaire secondaire à l’hypoxie générée par l’apnée) associée à une diminution de la précharge ventriculaire gauche secondaire à la vasoconstriction pulmonaire, peut induire une baisse du volume d’éjection systolique et donc du débit cardiaque. Le diagnostic des ASO est fondé sur l’interrogatoire du conjoint qui décrit ronflements et apnées. Une polygraphie ventilatoire confirme le diagnostic d’ASO et en apprécie la sévérité. Le traitement est fondé sur la ventilation en pression positive, à pression fixe et non auto pilotée, pour éviter les fortes pressions aux conséquences hémodynamiques délétères. La prise en charge de l’ASO améliore le pronostic de l’insuffisance cardiaque. Les ASO constituent ainsi un facteur pronostique au cours de l’insuffisance cardiaque.
… responsable dans les ASC
Au cours des apnées du sommeil centrales (ASC), le cœur insuffisant est à l’origine de l’anomalie respiratoire : la stase pulmonaire favorisée en décubitus par l’augmentation de la volémie liée à la majoration du retour veineux est à l’origine d’une hyperventilation engendrant une hypocapnie, qui, si elle devient inférieure au seuil respiratoire provoque une apnée ; l’augmentation de la capnie favorise alors la reprise de la respiration (respiration oscillante de Cheyne-Stockes). Ce type d’apnées prédomine aux stades 3 et 4 de la NYHA. Il n’a pas de conséquences hémodynamiques délétères, voire améliore les conditions du fonctionnement cardiaque. Seul, un examen polygraphique systématique permettrait de détecter ces apnées mais cette démarche n’est pas recommandée. Leur traitement repose avant tout sur celui de l’insuffisance cardiaque. En effet, la ventilation en pression positive n’a pas amélioré le pronostic des ASC au cours de l’essai CANPAP ; elle est même associée en début de traitement à une tendance délétère ; seule une analyse post-hoc sur un petit nombre de patients suggérait un effet bénéfique chez ceux dont l’apnée est bien contrôlée.
Quant à la ventilation auto-asservie, alors qu’elle avait amélioré la fraction d’éjection, les taux de peptides natriurétiques et de catécholamines dans de petites séries, elle s’est révélée délétère au cours de l’étude SERVE-HF (1 325 patients), augmentant la mortalité, aggravant les symptômes et diminuant les capacités d’effort. Ce résultat inattendu pourrait être lié aux conséquences hémodynamiques négatives de cette ventilation, qui aggrave les conditions de charge ventriculaire pouvant aboutir à une diminution du débit cardiaque. Ainsi les ASC sont un marqueur de risque et non un facteur de risque au cours de l’insuffisance cardiaque.
En pratique, une ASO prédominante est l’indication d’une ventilation en pression positive, débutée de préférence à l’hôpital et en limitant le niveau de pression. En cas d’ASC prédominante, une ventilation auto-asservie est contre-indiquée dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée, l’indication d’une oxygénothérapie nocturne ou d’une ventilation en pression positive se faisant au cas par cas. Quant à l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée, elle est le plus souvent associée à une ASO qui devra être traitée.
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