DE NOTRE CORRESPONDANT
LORS DE SITUATIONS où il existe une destruction des cellules musculaires (rhabdomyolyse), les hémoprotéines telles que l’hémoglobine (Hb) ou la myoglobine (Mb) sortent du milieu cellulaire réducteur, ce qui conduit à une oxydation de l’hème, qui passe de l’état ferreux (Fe2+) à l’état ferrique (Fe3+). Ces protéines acquièrent alors une activité peroxydase qui les rend capables de réduire les hydroperoxydes lipidiques. Cette réaction chimique s’accompagne d’une nouvelle oxydation des hémoprotéines, qui passent à l’état ferryle (Fe4+). On estime généralement que la peroxydation lipidique est responsable des dommages oxydatifs associés à la rhabdomyolyse, aux hémorragies méningées ou aux maladies avec hémolyse. Dans ces pathologies, les hémoprotéines envahissent le rein et le liquide céphalo-rachidien. La libération de Mb, dans la rhabdomyolyse, induit ainsi une insuffisance rénale secondaire qui est très probablement consécutive au cycle redox (d’oxydo-réduction) de la fraction hème de la Mb.
La peroxydation lipidique induite par les hémoprotéines.
Les chercheurs sont partis de l’hypothèse que l’acétaminophène (ApAP) pouvait empêcher la peroxydation lipidique induite par les hémoprotéines en raison de son action inhibitrice au niveau du site « peroxydase » de l’enzyme prostaglandine H2 syntéthase (PGHS). Ils ont testé cette hypothèse in vitro et dans un modèle murin de la rhabdomyolyse. Ils ont d’abord observé, in vitro, que l’ApAP induit une réduction de l’hème de la Mb en le faisant passer de l’état ferryle Fe4+ à l’état ferrique Fe3+.
Ils montrent ensuite que le prétraitement de rats par l’ApAP à des doses correspondant aux doses thérapeutiques chez l’homme (soit 10-30 µg/ml), abolit l’excrétion urinaire d’un marqueur (les F2-isoprostanes) de la peroxydation lipidique chez les rongeurs atteints de rhabdomyolyse. Mais ce traitement améliore également la fonction rénale des animaux en atténuant la diminution de la clairance de la créatinine, par rapport aux rats non traités (0,71 ml/min vs 0,17 ml/min), et en modérant l’augmentation de la créatinine plasmatique.
Inhibition du cycle d’oxydo-réduction.
Les auteurs estiment que les effets du prétraitement par l’ApAP sur l’insuffisance rénale des rats atteints de rhabdomyolyse s’expliquent par une inhibition du cycle redox (d’oxydation-réduction) de la Mb. La quantité de Mb-X (une forme plus cytotoxique de la Mb) est un reflet du degré du cycle redox qui fait passer la Mb de l’état ferreux à l’état ferrique. Or les études in vitro avaient indiqué que l’ApAP inhibe la formation de Mb-X. La mesure des taux urinaires de Mb-X chez les animaux confirme ce mode d’action en mettant en évidence une réduction d’environ 75 % des concentrations urinaires de Mb-X chez les rats atteints traités par l’ApAP, par rapport aux animaux non traités (p < 0,004).
Les travaux anglo-saxons suggèrent donc que le paracétamol est capable d’inhiber le processus de peroxydation lipidique induit par la libération d’hémoprotéines dans la circulation et d’atténuer l’insuffisance rénale qu’elle provoque chez un modèle expérimental de la rhabdomyolyse, ce à des doses compatibles avec une utilisation potentielle chez l’homme. Ces recherches pourraient avoir un intérêt en thérapeutique humaine si la peroxydation lipidique a un rôle, comme on le pense, dans les lésions myocardiques consécutives à l’ischémie dans le syndrome d’ischémie/reperfusion. On peut également rappeler que la peroxydation lipidique pourrait également intervenir dans des pathologies aussi diverses que l’hémorragie méningée ou la crise drépanocytaire respiratoire.
Boutaud O. et coll. Proc Natl Acad Sci (2010) Publié en ligne.
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