Fibrillation atriale

La place des anticoagulants directs

Publié le 17/12/2015
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Environ 10 millions de patients européens atteints

Environ 10 millions de patients européens atteints
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Outre une perte d’efficacité hémodynamique, la FA s’accompagne d’une augmentation du risque thromboembolique. Le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique est alors en effet multiplié par 5. De plus, les AVC ont été décrits comme plus sévères que ceux qui sont liés à d’autres causes.

Des essais cliniques ayant montré que si l’INR cible est entre 2 et 3, les AVK diminuent la morbimortalité des patients en FA. Toutefois, ces molécules sont associées à une augmentation du risque d’hémorragies, qui représentent en France la première cause d’accidents iatrogènes responsables de nombreuses hospitalisations.

Rand Europe a passé en revue 200 articles publications et recommandations de sociétés savantes, et ont réalisé 60 entretiens avec des médecins dans six pays, la Belgique, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie (1). Selon l’état des lieux ainsi dressé, 10 millions de patients en Europe de l’Ouest sont atteints de FA, qui représente chacun 5 000 à 30 000 euros de frais d’hospitalisation annuels suite à un AVC. La FA reste néanmoins mal connue du grand public et de certains praticiens. Enfin, plus de la moitié des patients ne seraient pas correctement anticoagulés.

Les AOD, un progrès majeur.

Les anticoagulants oraux directs (AOD), apparus depuis 2009, doivent être distingués des anticoagulants administrés par voie intra-veineuse ou sous-cutanée, mais aussi des AVK, administrés par voie orale mais qui entrainent la diminution des facteurs de coagulation (2).

L’introduction de ces produits pour la prévention des AVC chez les patients atteints de fibrillation atriale (FA) constitue un progrès majeur. Les AVK ont en effet des inconvénients majeurs qui conduisent à une forte sous-utilisation de ce traitement d’une importance critique. Les résultats des essais cliniques de phase 3 sur diverses molécules ont apporté la preuve de leur efficacité par comparaison à la warfarine, ainsi que leur sécurité d’emploi. La méta-analyse de CT Ruff et coll. a confirmé que les AOD ont un rapport bénéfice/risque favorable, avec une diminution significative des AVC, une diminution d’environ 50 % du risque d’hémorragie intracrânienne, une complication redoutée des AVK, ainsi que de la mortalité (3). L’insuffisance rénale chronique (IRC) est fréquente chez les patients âgés. Il est nécessaire de la dépister et d’adapter la posologie des anticoagulants si nécessaire (4). Il a été montré que l’efficacité des AOD est au moins égale à celle des AVK dans la gestion des risques thrombotiques chez les personnes âgées (5).

La place des AOD par rapport aux AVK.

Les AOD permettent une anticoagulation en moins de 2 heures. Ce qui évite la prescription initiale d’héparine et donc le relais héparine/AVK qui est une période à haut risque hémorragique et thrombotique. Ils ont nettement moins d’interactions avec la nourriture et les médicaments que les AVK. Ils en ont cependant avec certains autres médicaments (interaction du dabigatran avec le vérapamil et l’amiodarone). Ils s’accumulent en cas d’insuffisance rénale, le dabigatran plus que les trois autres. Ils sont donc contre-indiqués ou déconseillés en cas d’insuffisance rénale sévère. Les AVK doivent également être diminués dans cette situation, mais leur dose peut être ajustée en fonction de l’INR. Les AOD ne nécessitent pas de suivi de la coagulation en routine dans les essais. Leur maniement est donc moins contraignant. Cependant, le suivi de la coagulation sous AVK participe à la bonne observance.

Il existe un consensus pour exclure de l’indication des AOD les patients avec rétrécissement mitral ou prothèse valvulaire mécanique. Les FA sur insuffisance mitrale ou valvulopathie aortique, en l’absence de prothèse valvulaire, ne sont probablement pas des contre-indications aux AOD.

Il est proposé d’ajuster les doses d’AOD en fonction des principaux facteurs de surdosage. Cet ajustement est grossier. Il manque des données pour ajuster de façon cartésienne les doses d’AOD chez les patients les plus fragiles, qui représentent une part non négligeable des sujets âgés en FA.

(1) Lichten, CA, et al. The future of anticoagulation management in atrial fibrillation in Europe: An assessment of today’s challenges with recommendations for the future. Santa Monica, CA: RAND Corporation, 2015. www.rand.org/pubs/research_reports/RR1053.html.

(2) Barnes GD, et coll., Subcommittee on the Control of Anticoagulation. Recommendation on the nomenclature for oral anticoagulants: communication from the SSC of the ISTH. J Thromb Haemost 2015; 13: 1154–1156.

(3) Ruff CT, et coll. Comparison of the efficacy and safety of new oral anticoagulants with warfarin in patients with atrial fibrillation: a meta-analysis of randomised trials. Lancet 2014; 383: 955–962.

(4) Lega J-C, et coll. Consistency of safety and efficacy of new oral anticoagulants across subgroups of patients with atrial fibrillation. PLoS ONE 2014; 9: e91398.

(5) Sharma M, et coll. Efficacy and Harms of Direct Oral Anticoagulants in the Elderly for Stroke Prevention in Atrial Fibrillation and Secondary Prevention of Venous Thromboembolism: Systematic Review and Meta-Analysis. Circulation 2015; 132: 194–204.

Dr Gérard Bozet

Source : Le Quotidien du Médecin: 9459