Le complexe polymérase viral influenza A (PA, PB1, PB2) est impliqué dans différents aspects de la réplication virale et permet une interaction du virus grippal avec l'hôte. Le travail de séquençage complet et d'analyse phylogénétique du génome de la souche de 1918, publié aujourd'hui dans « Nature » par l'équipe de Jeffery Taubenberger (Rockville, Etats-Unis), laisse penser que le virus de la « grippe espagnole » n'aurait pas subi de phénomènes de réassortiments - comme ceux des épidémies de 1957 ou 1968 - mais qu'il s'agirait plutôt d'un virus aviaire adapté directement à l'homme.
Seulement dix acides aminés sont modifiés par rapport au génome des souches aviaires. Cette donnée permet de croire que le virus serait d'origine aviaire et qu'il se serait adapté à l'homme dans un délai très court avant l'épidémie.
En réponse à une pression d'adaptation.
Pour les auteurs, « le fait que les modifications des acides aminés identifiés sur l'analyse du virus de la grippe de 1918 soient aussi présentes dans les souches de virus influenza hautement pathogènes, récemment impliquées dans des décès humains (H5N1 et H7N7) , suggère que ces modifications pourraient faciliter la réplication au niveau des cellules humaines et majorer la pathogénicité. Il est possible que la gravité de l'épidémie de 1918 ait été en rapport avec l'émergence d'un virus aviaire influenza adapté à l'homme. Ces modifications pourraient refléter un processus d'évolution parallèle en réponse à une pression d'adaptation suggérant ainsi que les bases génétiques de l'adaptation des virus aviaires aux humains pourraient être précisément découvertes. »
Le potentiel pathogène du virus influenza A à l'origine de l'épidémie de 1918 reste exceptionnel. Une équipe de virologues dirigée par Terrence Tumpey (Atlanta), en coordination avec celle de J.K. Taubenberger, on a donc tenté de le reconstruire en laboratoire afin d'en percer les mystères. Le travail est publié en avance par la revue « Science », via Internet, en raison de sa complémentarité avec celui de « Nature ».
Reproduire le virus par génétique inverse.
Les parties codantes du génome du virus influenza à l'origine de la grippe dite « espagnole » de 1918 ont été récemment analysées. En partant de ces données, des virologues américains ont imaginé, par génétique inverse, reproduire le virus et le tester en laboratoire pour mieux comprendre l'origine de la virulence particulière de la pandémie. Les parties non codantes du virus n'étant pas disponibles, les chercheurs ont construit leur modèle en utilisant celles du virus A le plus proche génétiquement (H1N1 A/WSN/33).
Au total, ils ont élaboré des virus contenant de 1 à 8 séquences codantes du virus de 1918. Ils ont comparé leur effet sur différents types de cellules avec celui d'un virus témoin (A/duck/Alberta/35/76 H1N1). Ils ont ensuite analysé la propriété de ces virus à former des plaques en présence ou non de trypsine (source exogène de protéase nécessaire pour la multiplication virale et la formation de plaques).
Le virus de 1918 peut se multiplier même en l'absence de trypsine ; c'est pourquoi il a entraîné le décès de souris et d'œufs embryonnés. Cette virulence particulière était maximale lorsque les 8 séquences codantes étaient présentes, le pouvoir létal des autres virus testés restant moindre.
Mises en contact avec les différents virus, les cellules épithéliales en culture n'ont pas pu se développer. Celles qui étaient infectées par le virus à 8 segments mourraient. Chez l'animal infecté par cette dernière souche, les lésions pulmonaires constatées étaient proches de celles qui étaient rapportées chez l'homme : œdème pulmonaire, alvéolite, voire nécrose.
L'ensemble de ces données suggère que l'infectivité du virus de 1918 est liée à la présence à la fois des gènes d'hémaglutinine et de polymérase. En raison des similitudes dans la présentation clinique entre ces infections et celles qui sont en rapport avec le virus H5N1, ce travail pourrait permettre de mieux appréhender une éventuelle adaptation de ce nouveau virus à l'homme.
« Nature », 6 octobre 2005.
.« Science », édition avancée en ligne.
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