L' HISTOIRE de l'humanité est ponctuée par des périodes de changements culturels rapides que les archéologues rationalisent avec différents modèles. Mais en pratique, on ne sait toujours pas si la transition culturelle résulte des mouvements de la population ou de ceux de la culture uniquement.
Pour répondre à cette question, une équipe londonienne d'anthropo-généticiens a mis à profit à la fois la très bonne connaissance des flux migratoires dans les îles britanniques et celle de certains caractères génétiques de transmission paternelle (chromosome Y) et maternelle (chromosome X et ADN mitochondrial). On dispose aujourd'hui de marqueurs génétiques qui sont de puissants outils d'identification des liens entre les populations. Certaines régions du chromosome Y en particulier, sont de plus en plus étudiées pour connaître l'hérédité paternelle.
Chromosome Y et ADN mitochondrial
Dans l'étude publiée cette semaine dans « Proceedings » de l'Académie des sciences américaine, les chercheurs ont opposé les particularités du chromosome Y, transmises par les pères, à celles de plusieurs systèmes génétiques conditionnées par la transmission maternelle (ADN mitochondrial et particularités du chromosome X). Pour des raisons de traçabilité, l'étude s'est focalisée sur les caractéristiques génétiques des pré-Anglo-Saxons et des Scandinaves parmi toutes les populations qui se sont succédées (pré-Anglo-Saxons, Anglo-Saxons, Scandinaves, Normands, Romains). Les recherches génétiques sur la salive ont donc pris, comme population de référence, les personnes parlant le celte dans les Orcades, un archipel du nord-est de l'Ecosse qui a hérité des Vikings et des pré-Anglo-Saxons.
L'analyse a porté sur 71 hommes adultes issus de familles vivant depuis au moins trois générations dans l'archipel et portant des noms déjà usités avant 1700. Ces individus ont été appariés avec des Norvégiens, des Hollandais et des Gallois. Parallèlement, des données concernant 146 Irlandais avec des noms gaéliques ont été inclus.
L'examen des haplotypes du chromosome Y n'a pas trouvé de différence significatives entre les Irlandais et les Gallois. Les habitants des Orcades avaient des caractéristiques génétiques intermédiaires entre les Celtes et les Norvégiens, en faveur d'une origine mélangée.
Corrélations génétiques avec le nom de famille
Sachant que les noms des habitants des Orcades ont principalement deux origines, l'une autochtone, l'autre écossaise, l'équipe londonienne pensait retrouver des analogies entre les noms de famille et les haplotypes ou particularités transmises par les deux sexes. L'analyse de l'ADN a effectivement confirmé la présence d'une forte majorité de chromosomes Y de type Viking chez les sujets portants des noms autochtones et une majorité de gènes de type pré-anglo-saxon au sein des personnes portant des noms écossais. Mais ces résultats ne se sont pas vérifiés pour les caractères transmis par la mère qui ne présentaient pas de différences notoires entre les Celtes et les habitants des Orcades, les caractéristiques « nordiques » ayant disparu. Pour l'éminent collège de spécialistes qui rapporte ce résultat, cela signifie que l'héritage Viking dans les Orcades est à la fois génétique et culturel. Les variations du chromosome Y montrent que les changements culturels durant le néolithique et l'âge de fer sont rarement dus aux migrations de populations alors que les invasions plus récentes des Scandinaves ont laissé une forte trace génétique. L'héritage génétique lié à l'X et à l'ADN mitochondrial semble avoir été marqué par les révolutions culturelles pré-anglo-saxonnes.
James Wilson et coll., « Proc Natl Acad Sci USA », 2001, vol. 2, n° 14.
Iles Orcades
Les Orcades, peuplées à l'origine de Nordiques (Norsemen), ont progressivement été colonisées par les Ecossais. Comme tous les noms de lieux sont issus du « Norse » ancien, les linguistes avaient suggéré que les Vikings avaient totalement remplacé les autochtones. Mais des interprétations archéologiques avaient invalidé l'hypothèse et la génétique vient de le confirmer : les changements artistiques et culturels des îles sont le fruit de l'intégration des deux cultures et non pas des migrations de populations.
Plus généralement dans les îles britanniques, des changements importants sont survenus après les premières colonisations du paléolithique : le néolithique, l'émergence de la culture de l'âge de fer et plusieurs invasions en provenance d'Europe continentale.
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