L' IDEE d'apporter de l'insuline par une autre voie, telle l'inhalation, ne date pas d'hier, puisque, dès 1925, des essais ont été tentés. En 1971, des études obtenaient des résultats insuffisants, avec des taux sanguins d'insuline correspondant à 10 %-30 % seulement de la dose inhalée. Pour augmenter l'efficacité et la reproductibilité de l'apport d'insuline par voie pulmonaire, une nouvelle forme d'insuline et un système d'apport ont été fabriqués.
La méthode d'inhalation, testée dans une étude américaine, rapportée cette semaine dans le « Lancet » , fait appel à une poudre sèche d'insuline (Pfizer) et un système d'aérosol doseur (Inhale Therapeutic Systems).
L'efficacité de l'insuline inhalée a été mesurée, dans un essai comparatif ouvert, chez des diabétiques de type 1 recrutés au sein de 10 unités spécialisés aux États-Unis. Tous les candidats étaient âgés de 18 à 55 ans et avaient un diabète bien équilibré (depuis au moins deux mois) avec 2 à 3 injections d'insuline par jour. Leur niveau de C-peptide était proche de zéro et leur hémoglobine glycquée (HbA1c) comprise entre 7 et 11,9 %. Les patients devaient par ailleurs être indemnes d'affections cardiorespiratoires et avoir des EFR, une radiographie de thorax et un ECG sans particularité. L'existence d'un tabagisme, d'une pathologie oro-pharyngée, neurocérébrale, d'une insuffisance hépatique ou rénale, d'une addiction (drogue, alcool), d'une corticothérapie systémique, d'une grossesse ou d'un allaitement en cours, étaient des facteurs d'exclusion. Les patients nécessitant de fortes doses d'insuline (plus de 150 unités ou plus de quatre injections par jour) et ceux sous pompe n'ont pas été inclus.
Des inhalations préprandiales d'insuline
Au total, 73 diabétiques de type 1 ont été assignés à recevoir soit des inhalations préprandiales d'insuline associées à une injection d'insuline ultralente à l'heure du coucher, soit leurs injections d'insuline habituelles (2 à 3/j), durant 12 semaines. Dans les deux groupes, les patients contrôlaient leur glycémie quatre fois par jour et ajustaient leurs doses d'insuline une fois par semaine afin d'obtenir des glycémies postprandiales comprises entre 5,6 et 8,9 mmol/l.
L'efficacité des deux modes d'administration a été comparée par le taux d'HbA1c à 12 semaines, la glycémie à jeun et postprandiale après un repas mixte, le nombre et la sévérité des épisodes d'hypoglycémie, la fonction respiratoire et la satisfaction des patients.
Aucune différence significative n'a été retenue : l'HbA1c, la glycémie à jeun et postprandiale, les épisodes d'hypoglycémies étaient comparables. La tolérance des inhalations d'insuline était bonne, sans répercussion sur la fonction respiratoire et l'indice de satisfaction des patients amélioré (35 % vs 11 %).
Mais, fait remarquer, dans un éditorial, un confrère anglais, si séduisante que soit la perspective d'un traitement par voie inhalée, la méthode a encore ses limites. Les doses inhalées nécessaires pour obtenir les objectifs glycémiques ont été bien supérieures aux doses d'insuline injectées, avec une moyenne de 12,2 mg/j (350 unités) alors qu'elles étaient en moyenne de 18 unités injectées. Deuxième remarque du Pr Gale (Bristol), l'insuline inhalée n'a pas permis de supprimer l'injection d'insuline retard. Les insulines à longue durée d'action sont indispensables dans le diabète de type 1 et ne peuvent se faire qu'en injection. Le fait d'utiliser une insuline pure, sans adjonction d'un produit pour renforcer l'absorption limite le risque d'effet indésirable mais réduit la biodisponibilité de l'insuline. Enfin, les diabétiques fumeurs ont été exclus de l'étude ; or on sait que l'inhalation de tabac est un moyen d'augmenter la pénétration d'insuline dans des proportions que l'on ne connaît pas et qui peuvent majorer la variabilité de la dose administrée.
On attend maintenant les résultats des études à large échelle, actuellement en cours, qui permettront de connaître l'efficacité d'un tel mode d'administration au long cours et, éventuellement, son effet chez des diabétiques porteurs d'une affection pulmonaire.
Jay Skyler et coll., « The Lancet », vol. 357, 3 février 2001.
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