Le traitement différé des fractures anciennes du cotyle pose de nombreux problèmes. Il ne peut aucunement être codifié et doit s’adapter à chaque situation clinique. Techniquement, il peut s’agir d’un véritable défi opératoire.
LES FRACTURES du cotyle sont des fractures articulaires de hanche traversant le croissant acétabulaire et, avec lui, soit les parois qui le contiennent, soit l’ensemble architectural des piliers au sein duquel est enchâssée cette cavité hémisphérique.
Elles se présentent volontiers dans un contexte de polytraumatisme rendant un traitement immédiat parfois impossible. Il arrive donc régulièrement que l’avis du chirurgien orthopédiste ne soit sollicité que tardivement.
Rappelons que le délai optimal d’intervention post-traumatique, en l’absence d’autres contre-indications d’ordre général, se situe entre le cinquième et le dixième jour. Au-delà du 21e jour, les conditions locorégionales sont telles que la chirurgie est à la fois techniquement plus compliquée et plus risquée.
Approche diagnostique et planification thérapeutique.
Un premier bilan lésionnel a le plus souvent été fait au stade aigu : radiographie conventionnelle, avec ses incidences classiques (bassin de face, hanche de face, trois quarts alaire, trois quarts obturateur), ainsi que scanner avec ou sans reconstruction tridimensionnelle. Il doit cependant être recommencé dans les quarante-huit heures précédant l’éventuelle intervention en cours de planification. Cela permet de détecter une accentuation du déplacement initial ou les premières traces d’un cal osseux en formation, ou encore des ossifications péri-articulaires plus ou moins avancées.
Les voies d’abord classiques de la chirurgie du cotyle sont bien connues, toutefois, ce qui est réalisable par une voie d’abord donnée dans le contexte d’une fracture fraîche ne l’est pas nécessairement en présence d’une fracture ancienne. En effet, les rétractions tissulaires et l’engluement des fragments font que les réductions combinées de composantes multiples de la fracture, déjà parfois acrobatiques au stade aigu, se révèlent impossibles au stade tardif.
La technique chirurgicale elle-même est rendue plus délicate : le sciatique est beaucoup plus à risque dans un abord postérieur en raison des rétractions et des déplacements plus accentués qui peuvent le tendre comme une corde de violon. Le pédicule fessier, toujours dans ce type d’abord postérieur, est souvent piégé par une composante transversale de la fracture au sommet de la grande échancrure sciatique avec les risques de plaie vasculaire qui en résultent. Dans les voies antérieures ilio-inguinales, il faut aussi s’attendre à plus de difficultés, à des saignements importants imposant l’usage obligatoire peropératoire des récupérateurs sanguins.
Enfin, le temps de réduction lui-même est source de frustrations : la mobilisation des fragments est peu évidente, les repères d’engrènement des fragments (dent pour dent) ne sont plus retrouvables… S’il a été dit que «l’ostéosynthèse des fractures du cotyle n’a d’excuse que la perfection de sa réalisation», au stade de fracture ancienne, cette perfection devient ainsi quasi utopique…
L’abstention peut être préférable.
C’est en raison de ces particularités que, même au stade de la décision chirurgicale, il importe d’être prudent.
Ce n’est pas parce que la chirurgie au stade aigu aurait constitué l’option la plus avantageuse qu’elle le demeure au stade tardif. La liste des complications, encore plus fréquentes dans ce contexte, fait que le résultat final peut se révéler regrettable du fait même de la chirurgie : nécrose céphalique, démontage d’une ostéosynthèse rendue suboptimale par les conditions prévalant dans une fracture ancienne, insuffisance de réduction, ossifications péri-articulaires ankylosantes, infection…
A l’inverse, une chirurgie réalisée par un opérateur particulièrement entraîné peut se solder par un résultat inespéré pour l’accidenté.
Il existe ainsi des situations où il est impossible de définir à l’avance si l’abstention ne se révélera pas au final plus avantageuse que la chirurgie.
Le stade du cal vicieux.
Enfin, après le quarante-cinquième jour, on se trouve en situation de cal vicieux et/ou pseudarthrose dont les circonstances de constitution sont variées : fracture initialement passée inaperçue, fracture initialement traitée par traction, réduction imparfaite d’une première tentative d’ostéosynthèse, survenue d’un déplacement secondaire après cette première tentative…
L’analyse de la fracture doit être particulièrement précise et la vitalité de la tête fémorale doit être connue. Il existe des possibilités techniques de correction de ces cals vicieux employées par des équipes spécialisées rompues à cette chirurgie, mais, là encore, il convient de soigneusement peser les avantages de l’intervention par rapport à l’abstention, ce d’autant que de gros progrès ont été accomplis en matière de prothèses de hanche.
D’après une conférence d’enseignement du Dr Pomme Jouffroy (hôpital Saint-Michel, Paris).
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