Histoire de la maison Vienne

Redorer le blason de Vienne, tel était sans doute l'objectif principal d'Ernst Lothar, auteur de Mélodie de Vienne, publié d'abord en 1944 aux Etats-Unis sous le titre moins évocateur L'ange à la trompette. Cette véritable saga familiale de la famille Alt couvre la fin de l'empire austro-hongrois à partir de 1890 jusqu'à la terrible année 1938, celle du rattachement forcé par l'Allemagne hitlérienne. Cette famille bourgeoise habite la même maison à trois étages depuis plus d'un siècle. Son fondateur, Christophe, facteur de piano, a même eu pour client un certain Mozart qui est venu jouer la flute enchantée sur le piano de la maison quelques semaines avant son décès.

Les personnages sont pris dans la tourmente politique de la Première guerre mondiale, des années folles, de l'hyperinflation, des révoltes ouvrières et des assassinats politiques. La maison Alt est un symbole de la maison Autriche, bien malmenée par l'Histoire. Celle-ci a été une aubaine pour l'auteur qui montre également le jeune Hitler échouer pour entrer à l'académie des beaux-arts de Vienne aux côtés d'un autre candidat malheureux, le jeune Hans Alt, qui se verra imposer par son père la reprise de la fabrique. Le livre (épais) est passionnant et on ne le lâche plus, il va au-delà des simples anecdotes familiales. Hans est social-démocrate et ne se remet pas de l'assassinat de sa femme, Selma, une actrice qui a connu un succès phénoménal au théâtre. Hermann, son frère, entre dans la folie barbare des chemises brunes et des assassinats politiques. Henriette, la mère de ces deux jeunes hommes, est le fil conducteur du livre. Rejettée par la maison Alt, fille d'un grand professeur de droit juif, elle appartient à deux mondes, l'ancien (elle était la maîtresse de l'archiduc Rodolphe) et le nouveau qui voit l'effondrement économique, moral et politique de l'Empire autrichien. D'ailleurs, elle ne comprend rien à la politique, alors que Vienne est bien au coeur de cette Europe de troubles qui va accoucher du monde moderne. Une belle (re)découverte.

Mélodie de Vienne, Ernst Lothar, édition Liana Lévi, 667 pages, 13 euros.