Grève de cœur à l’Hôpital de la Croix-Rousse

Publié le 09/09/2010
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GRÉVISTES DANS L’ÂME mais fidèles au poste. Aux soins intensifs de cardiologie de l’Hôpital de la Croix-Rousse, établissement qui vient d’inaugurer un Bâtiment Médico-Chirurgical (BMC) flambant neuf dont s’enorgueillit le CHU lyonnais, seuls quatre paramédicaux ont pu quitter leur poste pour rejoindre les milliers de manifestants – 16 000 au total, selon la préfecture et 35 000 selon les syndicats – qui ont battu mardi le pavé sous une pluie diluvienne. Tous les autres étaient réquisitionnés, et même détaché pour l’un d’eux dans le service de pneumologie de l’hôpital. En revanche, « pas de grévistes chez les médecins », a indiqué Édouard Abalo, cadre infirmier.

À quelques mètres du service du Dr Nicole Smolski, présidente du Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi (SNPHAR-E), qui a lancé la grève des gardes et des astreintes le 1er septembre, ses pairs ne se seraient donc pas sentis concernés ? « Le problème ne se pose pas en ces termes, estime Édouard Abalo, les médecins sont surtout désemparés. » Du côté du service d’urgence de ce même établissement, pas un seul gréviste médical et même paramédical n’était déclaré. « Si nous avions fait grève, nous aurions dû décommander 18 patients programmés en consultation de traumatologie », explique une infirmière du service. Et d’ajouter : « On aurait pu annuler cette consultation, mais nous ne l’avons pas fait, par éthique. »

La barre des 62 ans.

Difficile, en tant que soignant, d’exercer le droit de grève sans culpabilité. Pourtant, les raisons de contester le projet de réforme des retraites ne semblaient pas manquer. Nathalie Busset, infirmière aux soins intensifs de cardiologie de l’Hôpital de la Croix-Rousse explique combien la « dégradation des conditions de travail » est réelle. Sans parler des nouvelles exigences de « polyvalence » et de « flexibilité ». Elle n’a pourtant que 36 ans, mais « ne voit pas comment à 62 ans, elle pourra encore exercer correctement son travail, en toute sécurité ». En aparté, elle confie avoir déjà envisagé « des passerelles », vers un autre mode d’exercice, tel que l’enseignement. De toute manière, « à 62 ans, on ne peut plus porter un malade », souligne Jocelyne La Fortezza, aide-soignante dans ce même service. À 51 ans, elle non plus ne se voit pas exercer son métier, onze années de plus. « Lorsque je travaille de nuit, explique-t-elle, j’ai le sentiment de me battre contre mon propre organisme pour pouvoir tenir ; d’autant plus que la nuit, c’est stressant, on est confronté à la mort en direct… »

Sur un panneau en marge de son entrée principale, l’Hôpital de la Croix-Rousse annonce qu’il « se modernise pour mieux vous accueillir ». Certes, mais les locaux et les efforts indéniables d’amélioration de l’outil de travail ne font pas tout. « Nous ne sommes pas contre les réformes, mais si nous devons travailler plus longtemps, dans les mêmes conditions de pénibilité, ce n’est pas de bon augure », conclut Édouard Abalo. À l’autre bout de l’hôpital, dans le BMC, il n’y a toujours pas de médecins grévistes en vue. Selon la direction des Hospices Civils de Lyon, le taux de participation n’était que de 12,5 %. Au troisième étage du nouveau bâtiment, en revanche, du personnel râle haut et fort : il déplore déjà des infiltrations d’eau !

 DE NOTRE CORRESPONDANTE CAROLINE FAESCH

Source : Le Quotidien du Médecin: 8811