L ES essais thérapeutiques ex vivo les plus connus pour le traitement des maladies héréditaires sont les protocoles contre le déficit en adénosine désaminase et contre l'hypercholestérolémie familiale par déficit en récepteur des LDL, ainsi que les protocoles in vivo contre la mucoviscidose et depuis peu contre le SCID qui est le premier protocole clinique couronné de succès.
Le développement de la thérapie génique repose sur plusieurs méthodes :
- « la stratégie correctrice et protectrice », permise par l'identification d'anomalies génétiques dans certaines tumeurs urologiques. L'activité des oncogènes est inhibée par des gènes suppresseurs de tumeurs. Ainsi, il est possible de faire perdre le caractère tumoral des cellules cancéreuses de tumeurs de Wilms du jeune enfant, en introduisant un fragment de chromosome 11 humain, le gène WT1 (11p3). En réalité, in vivo, l'hétérogénéité génétique des cellules composant chaque tumeur spontanée complique cette approche ;
- « la stratégie cytotoxique et suicide » intéresse 12 % des protocoles cliniques. Cette stratégie spécifique cible d'abord les cellules tumorales avec un vecteur et, ensuite, adjoint au gène « suicide » un promoteur spécifique du tissu cible ; par exemple, le promoteur du PSA dans le cas de la prostate. Les vecteurs de transport le plus souvent choisis sont des rétrovirus. Une approche différente utilise un virus modifié, directement toxique pour les cellules qu'il infecte ;
- « la stratégie antisens » consiste à neutraliser le code génétique le l'ARN messager dont on veut inhiber l'expression par un nouvel ARN messager copie conforme mais inverse ;
- « la stratégie immunomodulatrice » vise à obtenir des « vaccins » antitumoraux. La surexpression d'un gène hétérologue par la tumeur ou d'une cytokine pourrait aider le système immunitaire à reconnaître les antigènes tumoraux spécifiques et à éliminer ainsi la tumeur. Des essais de phase I, pour la surexpression de l'Il2 et du GM-CSF, ont montré l'absence d'effets secondaires dans les cancers du rein et de la prostate.
Un contexte de guerres commerciales
« Les espoirs liés à la thérapie génique sont parfois utilisés frauduleusement », regrette le Dr Patrice Mannoni (Marseille), cela parce que souvent réalisés dans un contexte de guerre commerciale entre sociétés et parfois entre laboratoires de recherche. En réalité, les essais in vivo concernent une population de malades dont le stade de la maladie est avancé et plus de 77 % des protocoles sont réalisés en phase I, c'est-à-dire en étude de faisabilité, de pharmacocinétique et de toxicologie. Pour cette raison, peu de patients ont tirés un bénéfice réel de la thérapie génique : quatre en France, deux aux Etats-Unis et un en Italie. Avant des résultats positifs chez l'homme, il y a encore bien des étapes biologiques à surmonter, explique le Dr Mannoni, « comme l'ignorance quant à la façon de diriger les gènes suicides, in vivo , vers un endroit précis de la chaîne d'ADN concernée ».
La voie d'un eugénisme non accepté
De plus, la thérapie génique offre l'inquiétante potentialité de modifier le génome humain, ouvrant la voie à un eugénisme non accepté et à des dérapages de conflits d'intérêts divers, par exemple en cours de contrats d'assurance maladie passés avec les sociétés d'assurances. Des peurs liées aux risques thérapeutiques d'apparition chez l'homme de nouvelles épidémies, liées aux vecteurs de transfert dérivés de virus pathogènes sont également entretenues dans certaines publications.
Pour ces raisons, au niveau éthique, les structures de contrôle des protocoles de thérapie génique ont été renforcées. Il est urgent, quelle que soit la spécialité d'exercice, que les médecins informent, éduquent et réaffirment à leurs patients, avec des discussions fondées sur des arguments scientifiques contradictoires, des évaluations concrètes de la pratique et de ses conséquences, que « la génétique est actuellement l'une des plus grandes opportunités pour l'homme », considèrent les Prs Olivier Cussonot (Paris) et Georges Fournier (Brest).
Paris, congrès de l'Association française d'urologie sur le thème « Génétique et urologie ».
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