A VANT même d'avoir été lancée, la concertation annoncée le 25 janvier par Elisabeth Guigou avec les professionnels de santé semble avoir du plomb dans l'aile. Trois syndicats de médecins, la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), la Fédération des médecins de France (FMF), le Syndicat des médecins libéraux (SML), et quatre confédérations de salariés qui siègent à la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) - FO, la CGT, la CFTC et la CFE-CGC - ont fait savoir dans un communiqué commun que le « Grenelle de la santé » n'avait été pour elles qu'un « non-événement ».
« Aucun geste d'apaisement n'a été fait pour permettre un dialogue constructif », estiment ces organisations en faisant allusion à la demande des syndicats médicaux d'obtenir un moratoire dans l'application du système actuel de maîtrise des dépenses de santé qui s'est traduit l'année dernière par des baisses du tarifs de certains actes médicaux.
Une prise de position qui risque fort d'embarrasser le gouvernement au moment où il tente de ramener la paix sociale dans ce secteur et de renouer les fils du dialogue avec les professionnels.
Car ni le discours, ni la méthode utilisée par Elisabeth Guigou - une mission de concertation dirigée par des personnalités extérieures et une nouvelle réunion au sommet au mois de juin - ne semblent trouver grâce aux yeux des responsables des syndicats médicaux.
Le président de la CNAM contesté
Par ailleurs, les quatre confédérations de salariés signataires du communiqué remettent en cause la légitimité du président de la CNAM, Jean-Marie Spaeth, à les représenter au cours de ces discussions. « La contribution faite au nom des trois caisses nationales d'assurance-maladie n'ayant pas été présentée, et a fortiori validée par le conseil d'administration de la CNAMTS, est nulle et non avenue », poursuit le communiqué.
Ces quatre organisations avaient déjà dénoncé, la veille de la concertation au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, « l'absence de concertation » qui prévalait au sein de la Caisse nationale d'assurance-maladie. Et démontrent, si il en était encore besoin, que la majorité de gestion qui la dirige éprouve aujourd'hui de sérieuses difficultés. Certaines organisations comme la CFE-CGC, qui font partie intégrante de cette majorité, n'hésitent plus à afficher leurs divergences avec Jean-Marie Spaeth (voir l'entretien ci-dessous).
Quant à la CFTC, si elle ne souhaite pas se désolidariser complètement de ses alliés d'hier, elle reconnaît que la majorité de gestion a été « sérieusement mise à mal » au cours de ces derniers mois, comme le confie son représentant à la CNAM, André Hoguet.
Ces deux organisations reprochent justement au président de la CNAM de n'avoir pas su, au cours de ces dernières années, reprendre le dialogue avec les organisations professionnelles qui, depuis 1996, contestent l'application du plan Juppé, conduisant ainsi le système conventionnel dans une impasse.
En effet, depuis plusieurs mois déjà, elles ont de leur côté, avec FO et la CGT, engagé des discussions avec trois organisations syndicales de médecins (FMF, SML, CSMF) pour tenter de proposer une alternative à la politique actuelle de maîtrise des dépenses de santé conduite par la CNAM.
Jugeant ces discussions plus que « constructives », elles ont donc indiqué qu'elles « entendaient poursuivre dans la cohésion les travaux qu'elles avaient engagés sans attendre en respectant le calendrier qu'elles se sont fixé pour parvenir dans les meilleurs délais à une véritable alternative conventionnelle ». Ses participants, qui se sont fixé un calendrier de réunion jusqu'à la fin du mois d'avril, espèrent en effet aboutir au plus tard au mois de juin.
Des discussions qui constituent donc une sérieuse concurrence à la concertation souhaitée par le gouvernement et qui préparent sans nul doute une recomposition de la majorité de gestion qui dirige la CNAM à l'issue du renouvellement de son conseil d'administration au mois de juillet prochain.
Solange Morgenstern (CGC) : la majorité de gestion de la CNAM n'existe plus
LE QUOTIDIEN - Le « Grenelle de la santé » est pour vous un « non-événement ». Pourquoi ?
SOLANGE MORGENSTERN - Parce que, pour les syndicats de médecins avec qui nous discutons, il ne s'est rien passé. Ils ont été écoutés, mais ils attendaient un affichage plus volontariste de la part de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité et un geste d'apaisement dans leur direction. Or, rien n'est changé. La rencontre n'a pas modifié quoi que ce soit dans la conception actuelle des relations entre les professionnels de santé, les caisses d'assurance-maladie et l'Etat. Nous comprenons que la ministre soit pour l'instant dans une phase exploratoire, mais nous aurions souhaité qu'elle s'engage dans une démarche plus dynamique et qu'elle fasse un geste à l'égard des professionnels.
Vous contestez les propositions faites au nom de la CNAM par son président, Jean-Marie Spaeth. Est-ce une remise en cause de votre participation à la majorité de gestion ?
De fait, la majorité de gestion n'existe plus aujourd'hui. La CFE-CGC, mais également la CFTC, en sont quasiment sorties. Cela fait des mois déjà que nous avons des divergences sur la méthode employée par le président de la CNAM. Nous avions demandé une reprise du dialogue avec les médecins, l'élaboration de nouvelles propositions. Nous n'avons pas été entendus. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons pris l'initiative de ces rencontres avec les syndicats médicaux. Or, aujourd'hui Jean-Marie Spaeth présente une contribution dans laquelle il reprend de nombreux points que nous avions à l'époque défendus sans succès, sans nous consulter et en donnant l'impression qu'il prend l'initiative du dialogue. C'est inadmissible. C'est une initiative personnelle du président peut-être en accord avec le Medef, mais en aucun cas avec les confédérations de salariés qui siègent à la CNAM.
Le renouvellement prochain des conseils d'administration des caisses nationales d'assurance-maladie peut-il être l'occasion d'une recomposition de la majorité actuelle de gestion sur la base d'un projet politique différent ?
C'est une question qui va se poser. Nous, on souhaite défendre un projet politique intelligent et voir avec les autres centrales qui le conduit et comment. On devra également en débattre avec le gouvernement. Mais il faut avant tout procéder par étapes. Il faut d'abord voir si on peut trouver un accord de principe avec les médecins, se doter de propositions concrètes et ensuite se poser la question de la gestion du système.
Par ailleurs, il y une autre inconnue, la position du patronat. Celui-ci souhaite dans le cadre de la refondation sociale ouvrir le chantier de l'assurance-maladie. Pour nous, il n'en est pas question tant que le problème de l'avenir des retraites ne sera pas réglé. On ne veut pas se retrouver une nouvelle fois devant les oukases et les diktats du Medef.
Avez-vous bon espoir de parvenir à un accord avec les syndicats de médecins sur un nouveau partenariat conventionnel ?
Pour l'instant, nous continuons à travailler avec eux et à avancer sur les thèmes que nous avons définis. Nous ne dévoilerons le contenu de nos discussions que quand nous aurons abouti. Mais le climat des discussions est excellent et la confiance totale. Chacun défend ses points de vue mais la discussion est très libre et il y a de chaque côté la volonté de parvenir à des avancées partenariales intelligentes. Je suis donc assez optimiste.
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