« Insignifiant statistiquement, le néonaticide est néanmoins sociologiquement significatif », écrit Julie Ancian dans un ouvrage issu d’une thèse menée pendant six ans sur des cas de néonaticides jugés en France de 2005 à 2015. Pourquoi adopter un regard sociologique alors que le premier réflexe serait d’interroger un psychiatre sur un crime sidérant, qui laisse sans voix ? A une pathologisation de l’acte, Julie Ancian revendique une lecture féministe avec comme première exigence une décriminalisation du processus judiciaire comme dans d’autres pays. Au lieu d’évoquer une folie, l’enjeu devrait être de démonter les mécanismes à l’origine, à l’œuvre dans ces drames. Et de mettre en avant les inégalités sociales de santé qui expliquent les échecs de recours aux méthodes contraceptives. Comment ne pas voir également les violences sexistes qui frappent les femmes issues surtout de milieu précaire, « la stigmatisation du refus d’enfanter et l’idéalisation outrancière de la fonction maternelle », écrit l’autrice dans sa conclusion. Pour autant, peut-il y avoir une place dans cette analyse pour d’autres disciplines ? En réponse à ce qui relève encore d’un trou noir, une approche pluridisciplinaire ne serait-elle pas indispensable au lieu d’ériger la sociologique comme discipline reine ? Certes, les données qui font l’objet d’un consensus en psychopathologie sont peu nombreuses. Même le lien entre déni de grossesse et néoinfanticide dans les médias est loin d’être reconnu dans la communauté scientifique. Dans une thèse soutenue en 2018, la Dr Elise Humeau privilégie plutôt la piste des femmes dissimulant leur grossesse. Ce qui contribue à éloigner une prévention par définition peu accessible dans ce cas. Des études ont été réalisées. Aucune n’emporte la conviction. En tout état de cause, il n'y aurait pas de profil à risque permettant de repérer des femmes susceptibles de commettre un passage à l’acte. La psychiatrie demeure ici modeste. Un exemple à suivre face à un mystère qui nous dépasse ?
Les violences inaudibles, récits d’infanticides, Julie Ancian, éditions du Seuil, 288 pages, 20 euros.
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