Le cri d'alarme avait déjà été lancé au cours du RSNA 1999 : la mammographie était en danger aux Etats-Unis, faute de radiologue et faute de rentabilité. En l'an 2000, la mammographie est menacée selon la plupart des observateurs. Or la demande du public augmente et l'on prévoit qu'en 2010, 50 % des femmes américaines pourront bénéficier d'un programme de dépistage. L'évolution de la spécialité n'a été prise en compte nulle part : les radiologues spécialisés dans les maladies du sein ne sont plus des lecteurs de films, mais des consultants qui se livrent à une démarche complexe qui demande formation, matériel et financement. Michael Linver (University of New Mexico) souligne que les radiologues sont soumis à des règles strictes, mais qui changent sans arrêt, ce qui n'est pas un phénomène spécifiquement américain...
Contrôle de qualité et accréditation
La mise en place du MQSA (Mammography Quality Standard Act) par un acte du congrès en 1994 a eu d'abord un effet jugé bénéfique en aboutissant à la fermeture de certains centres dont les appareils n'étaient pas conformes. Les premiers centres fermés étaient essentiellement des centres ruraux, comme les « community centers », desservant parfois des zones étendues.
A l'époque déjà, des voix s'étaient élevées pour souligner que ces nouvelles contraintes n'étaient assorties d'aucune compensation financière et que tous les centres ne pourraient en supporter le coût. En effet, le programme de qualité et d'accréditation va bien au-delà d'un appareil et le cahier des charges est devenu extrêmement lourd, notamment sur le plan statistique. L'effet a été de concentrer les activités de sénologie dans des centres spécialisés, mais ceux-ci ont maintenant des difficultés financières.
Absence de radiologue en formation
Pour G. Eklund (University of Illinois), le manque de radiologues formés et compétents en sénologie met en danger la discipline qui était devenue une sous-spécialité au sein de la radiologie. La désaffection des radiologues pour la discipline et la diminution du nombre de programmes d'enseignement est due à la chute de la tarification et aux problèmes médico-légaux. Le cercle vicieux est donc installé. Selon l'enquête de C. Goodman (Baylor College, Texas), seulement 4 % des étudiants de 3e et 4e année de radiologie acceptent de se spécialiser, ce que confirme E. Mendelson (Pittsburg).
Là, comme dans d'autres domaines, il s'est produit une dissociation entre la demande sans cesse croissante du public, traduite par une tendance sociétale lourde et les possibilités réelles de la médecine et des médecins. Le risque zéro et la qualité maximale ne peuvent être obtenus, en admettant que cela soit possible, sans y mettre un certain prix.
La mammographie reste l'arme absolue dans l'exploration du sein. La technique a bien évolué en trente ans, depuis les films sans écran qui permettaient de bien voir et de définir les microcalcifications, mais sans permettre d'analyser le contraste de la glande de façon très fiable. Les appareils se sont perfectionnés (petit foyer, compression, exposeur automatique) en même temps que les écrans renforçateurs et les films permettaient d'augmenter le contraste et de diminuer les doses.
Le contrôle de qualité a aussi permis d'améliorer les pratiques et d'uniformiser les résultats directement liés à la technique.
Mammographie numérique
La mammographie ne pouvait complètement rester hors du champ de la numérisation. Deux techniques sont proposées. Plusieurs fabricants proposent des systèmes de numérisation directe, par balayage ou surtout par détecteurs plans. Un seul appareil est pour l'instant commercialisé avec l'aval de la Food and Drug Administration (FDA), les autres restant « expérimentaux ». La numérisation indirecte, utilisant une plaque photostimulable, n'est pas une nouveauté, mais la résolution spatiale était insuffisante. Un fabricant propose maintenant des plaques qui permettent d'atteindre une résolution suffisante, voire supérieure à celle obtenue avec les détecteurs plans actuels.
La numérisation, en général, permet théoriquement de transmettre les images, à un centre d'interprétation ou de référence par exemple, et de les stocker. Cependant, le poids numérique de ces images est élevé, ce qui suppose un temps de transmission assez long par des lignes classiques, les lignes spécialisées étant encore coûteuses, surtout en France. De même, le stockage en ligne, immédiatement disponible, suppose des capacités importantes dont le coût a baissé, mais reste élevé.
L'autre avantage théorique de la numérisation est de traiter les images : agrandissement, contraste et analyse. L'analyse peut aussi être confiée à des systèmes experts qui ne feront pas le diagnostic, comme l'a rappelé Laszlo Tabar, mais permettront d'améliorer la détection des masses et des microcalcifications (CAD ou Computer Aided Detection). Ces systèmes sont encore coûteux, de l'ordre de 100 000 $ au moins.
Les systèmes à plaques n'apportent aucun avantage ergonomique puisque la cassette conventionnelle est remplacée par une cassette, contenant une plaque photostimulable, qu'il faut manipuler. Le mammographe à détecteur plan offre l'avantage de permettre de visualiser les images sur écran dans un délai de quelques secondes et de s'assurer à la fois de la netteté de l'image et de la qualité de l'exposition, la durée globale de l'examen s'en trouvant raccourcie.
Les deux systèmes permettent de lire les images sur un écran haute résolution et éventuellement d'imprimer des films grâce à un reproducteur laser haute résolution (600 dpi au moins).
L'impact de la mammographie numérique sur le marché reste difficile à évaluer car le seul système autorisé par la FDA coûte aux alentours de 400 000 $. Certains analystes estiment que 70 % des centres pourraient investir mais d'autres avancent des chiffres beaucoup moins optimistes, 20 % seulement. Une meilleure tarification et un peu de concurrence semblent nécessaire pour relancer ce marché.
Intérêt médical
Dès lors, outre la performance technique, qui reste très coûteuse, cinq fois le prix d'un mammographe de haut de gamme pour un mammographe numérique direct ou trois à quatre fois pour un système à plaques, la question est bien de savoir quel est l'intérêt médical réel de ces techniques. Cette édition du RSNA ne permettra pas d'établir une opinion définitive, car peu d'interventions portaient sur le sujet.
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