U N travail franco-allemand, publié cette semaine dans « Science », apporte des révélations sur la pathogénicité du virus Ebola. Pour la première fois, des chercheurs ont réussi à reconstituer un virus Ebola mutant à partir d'ADN cloné conservant des propriétés pathogènes. Cette manipulation a permis de mieux cerner le rôle de la glycoprotéine d'enveloppe (GP), dont une publication récente a prouvé la toxicité.
La première réussite de ce travail a été d'obtenir un virus pathogène car, généralement, les virus reconstitués à partir de manipulations génétiques ont perdu leur virulence. La seconde a été de reconstituer un virus dont les capacités de fabrication étaient uniquement conservées pour la GP d'enveloppe. Dans les souches sauvages, en effet, l'ARNm subit un processus d'édition, consistant en l'ajout ou le retrait d'une base : cette base décale le cadre de lecture, permettant à l'ARNm d'être traduit en protéine de structure (GP) ou en protéine sécrétée par la cellule (sGP) et retrouvée dans le sang.
Deux protéines sGP et GP sont produites
Dans la cellule infectée par le virus sauvage, les deux protéines sGP et GP sont produites, la première est sécrétée en grande quantité dans la circulation, tandis que la GP est intégrée dans les virions en formation, mais la production de cette protéine de structure paraît insuffisante pour s'accumuler dans la cellule. En revanche, dans le virus mutant, la GP s'est accumulée à l'intérieur des cellules du fait d'une production cinq fois supérieure à la normale et le virus s'est avéré beaucoup plus cytotoxique que le virus sauvage.
Pour V. Volchkov, un des signataires de la publication, il est possible que l'accroissement de la cytotoxicité soit du à la grande quantité d'énergie nécessaire à la glycosylation de la GP, qui dépasserait les capacités de la machinerie cellulaire de l'hôte. Les rapporteurs de l'étude voient, dans « l'édition » de l'ARN de la GP, une forme d'autorégulation de la toxicité virale. C'est aussi un moyen d'expliquer pourquoi le virus Ebola n'est pas, à proprement parler, pathogène en lui-même ; il ne tue pas immédiatement les cellules. La véritable dangerosité de ce virus vient plutôt du fait qu'il produise une quantité énorme de virions qui infectent rapidement tout l'organisme.
V. Volchkov et coll., université Claude-Bernard (Lyon) et Philipps (Marburg, Allemagne), « Science », 2 février 2001.
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