Dr Jean-Daniel Flaysakier : « Je ne suis pas l’envoyé spécial des médecins dans le monde du journalisme »

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Publié le 13/10/2018
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Crédit photo : DR

Pendant 33 ans, le Dr Jean-Daniel Flaysakier s’est évertué à décrypter la médecine pour la rendre intelligible aux Français. Avec talent et humour. Le 31 octobre prochain, le médecin, rédacteur en chef adjoint de France 2, tournera définitivement la page de la télévision. Pour « le Quotidien », il revient sur sa longue carrière médiatique, ses relations avec les médecins et évoque avec enthousiasme et passion son nouveau projet au service des patients.

LE QUOTIDIEN : Vous avez été le premier médecin journaliste à temps plein à la télévision. Comment êtes-vous passé de la médecine au journalisme ?
Dr JEAN-DANIEL FLAYSAKIER : C’est un pur hasard. Au début des années quatre-vingt, je suis parti étudier l’épidémiologie à l’école de santé publique de l’université de Harvard, à Boston. En rentrant, je devais participer à la création d’un institut d’épidémiologie avec Jacques Drucker, le frère de Michel. Mais ça ne s’est pas fait. À l’époque, je faisais un peu de presse écrite et de radio. Le rédacteur en chef de France 3 dans ma région m’a proposé de faire un magazine santé de 13 minutes. J’ai répondu oui, un peu par inconscience, car je ne me rendais pas compte de ce que cela représentait. C’était sans doute assez catastrophique au début et puis mieux par la suite… Martine Allain-Regnault, qui était à l’époque la patronne de l’info médicale sur Antenne 2, avait repéré certains de mes sujets. Et quand Télématin a démarré sur Antenne 2, on m’a proposé de la remplacer occasionnellement… jusqu’au moment où l'on m’a demandé de tenir la chronique santé de l’émission.

Vous n’avez jamais été tenté de revenir dans le milieu médical ?
J’ai eu des opportunités dans le monde hospitalo-universitaire au cours de ma carrière. Mais je n’avais plus la souplesse d’échine pour aller faire la cour ! (rires)

À la télévision, vous étiez plutôt journaliste ou plutôt médecin ?
J’ai fait un travail de journaliste avant tout, au sein d’une rédaction, et avec les règles qui s’appliquent à ce métier. Le fait d’être médecin, ça permet de décrypter l’actualité médicale un peu plus vite que le collègue, d’avoir un sens critique plus développé par rapport à ce que peuvent dire les experts et puis aussi d’avoir une curiosité à l’égard de sujets moins rebattus. Mais ça n’est pas parce qu’on est médecin qu’il faut étaler sa science. J’ai toujours considéré que j’avais un rôle de médiateur. Ce que j’ai toujours essayé de faire, sur Télématin comme par la suite, c’est de partager la connaissance pour que les gens puissent prendre des décisions un peu plus éclairées. Avec la télé, on a un instrument extraordinaire d’éducation et de vulgarisation, je pense qu’il faut l’utiliser.

Un médecin n’a pas plus de légitimité pour évoquer les sujets médicaux et faire des recommandations ?
Ça donne à notre discours un peu plus de poids, mais il ne faut pas en abuser. À la télé, je me suis toujours interdit de prescrire, de donner des conseils médicaux comme le font souvent les chroniqueurs santé. Ce n’est pas mon rôle en tant que journaliste. Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas pris position sur certains sujets. Sur les vaccins par exemple, parce que c’est une question de santé publique. Là, j’estime que je dois endosser ma casaque. Dans le cas de Johnny Halliday et de son fameux coma à Los Angeles, j’ai évoqué le problème de l’alcoolisme. Ce coma, c’était un delirium tremens qu’il a fallu sédater. On m’a reproché d'en avoir parlé en ces termes. Mais j’estime que c’est important de rétablir certaines vérités scientifiques. Quitte à flirter avec les limites du secret médical.

Votre franc-parler vous a valu des brouilles avec certains de vos confrères médecins. Notamment lorsque vous les avez mis en cause sur la question des actes médicaux injustifiés…
Ils ont porté plainte et j’ai été convoqué par le Conseil de l’Ordre, mais ça s’est arrêté là. Ce que j’ai dit à l’époque, notamment sur la multiplication des actes d’imagerie, était argumenté. Je ne suis pas l’envoyé spécial des médecins dans le monde du journalisme pour défendre la corporation. Ceci dit, quand je trouve que la médecine et les médecins sont injustement attaqués, j’essaye de les défendre, d’expliquer la complexité du métier, les difficultés de prendre certaines décisions médicales. Mais je ne suis pas représentant syndical. Il y a des gens qui le comprennent, d’autres non… Que certains pensent du mal de moi, c’est comme ça. Ils ont peut-être raison après tout !

À la télévision, vous avez toujours eu une totale liberté de parole ?
Il n’y a qu’une fois où j’ai été réellement censuré. C’était lors du scandale financier de l’ARC dans les années quatre-vingt. Le patron de l’information est venu lui-même retirer la cassette du magnéto un quart d’heure avant la diffusion du reportage. Pour le reste, j’ai eu la chance d’avoir des rédacteurs en chef qui m’ont fait confiance. J’ai eu une grande liberté dans le choix des sujets, y compris dans le choix de ne pas en traiter certains. J’ai dépensé une énergie folle là-dessus. Le panurgisme, c’est un drame dans l’information en santé.

Y a-t-il une vie après la télé ?
Oui, bien sûr. J'ai un projet qui me tient à cœur. Je ne peux pas en parler dans le détail parce que ce n’est pas finalisé. Il y a une dizaine d’années, je me suis remis à la cancéro. J’ai refait de la consultation. Je suis aussi passionné par la question de la qualité de vie des malades. Donc j’essaye, et j’espère qu’on va y arriver, de monter une consultation de qualité de vie, principalement chez des femmes traitées pour un cancer du sein. Ce serait après le retour à la vraie vie, pour parler de tout, des relations avec le conjoint, des enfants, des douleurs, des séquelles de la chimio, de la reprise du travail, des relations avec les collègues, du retour à la sexualité, si les patientes le souhaitent, bien sûr… Le but est d’écouter et de résoudre, si possible, un certain nombre de problèmes qui altèrent la qualité de vie. Parce qu’il n’y a pas de raison que ces patientes subissent une double, voire une triple peine !


Source : lequotidiendumedecin.fr