« Pas de télévision avant l'âge de trois ans ». C'est ce que ne cessent de marteler de nombreux spécialistes de la petite enfance, qu'ils soient psychiatres ou spécialistes du développement du cerveau chez l'enfant. Une mise garde confortée par l'étude menée par Linda Pagani et coll.
Les résultats sont issus du suivi d'une cohorte longitudinale mise en place en 1997, incluant des enfants nés en 1997 et en 1998 (enfants provenant de milieux sociaux défavorisés de Montréal).
Victimisation, isolement social, comportements violents et antisociaux
Ils viennent corroborer des résultats déjà obtenus chez des enfants de cette cohorte à 10 ans et 12 ans : une exposition trop intense à la télévision vers l'âge de deux ans augmente très fortement le risque de développer des comportements de victimisation, d'isolation sociale, violents et antisociaux à l'âge de 13 ans.
Selon Serge Tisseron, psychiatre français spécialiste, notamment, de la question de l'exposition des enfants aux écrans : « Les parents commencent à se poser des questions sur la trop grande exposition de leurs enfants aux écrans lorsque ceux-ci ont 12-13 ans ; à ce moment-là, ils ont d'ailleurs tendance à sur-dramatiser l'influence négative des écrans car chez beaucoup d'enfants cela ne se passe pas trop mal. » En revanche, « ils sous-estiment très gravement les conséquences de la surexposition télévisuelle précoce », précise-t-il.
Linda Pagani avait déjà signalé, lors de la publication des résultats du suivi des enfants à l'âge de 10 ans, qu'elle était étonnée de constater que ceux qui regardaient le plus la télévision avaient plus tendance à se positionner en victimes ou en bouc émissaires de leurs camarades. Selon le Dr Tisseron, « En regardant la télévision, ces enfants ne se constituent pas en acteur du monde, c'est-à-dire quelqu'un qui fait arriver les choses, mais en spectateur du monde ». Et d'ajouter « Ça, c'est la victimisation ».
Une capacité d'attention altérée
Le spécialiste rappelle également qu'une trop forte exposition à la télévision chez les tout-petits peut avoir également un impact sur les résultats scolaires ultérieurs, en modifiant leur capacité d'attention. Il semble donc impératif que les parents prennent conscience des dangers qu'une exposition à la télévision au plus jeune âge, même de façon passive, fait courir à leurs enfants. En cela, le psychiatre estime « qu'il faut absolument alerter les pédiatres et les médecins généralistes pour qu'ils mettent en garde les parents, car ils ont un rôle de prévention majeur à assumer. »
La prévention reste à mettre en place
Et le médecin de regretter que, malgré l'avis de l'Académie des Sciences émis en 2013 sur l'exposition des enfants aux écrans, l'Institut National de Prévention pour la Santé (ex-INPES, désormais intégrée à Santé Publique France) n'a jamais souhaité mettre en place une campagne de prévention sur ce qui est pourtant un problème majeur de santé publique. « J'ai donc lancé la campagne d'information 3-6-9-12 pour me substituer, avec mes petits moyens, à une campagne que j'aurais souhaité voir venir de l'INPES », souligne-t-il. « Par contre, j'ai été sollicité pour donner des conseils à mettre dans la prochaine version des carnets de santé [en cours de réécriture, NDLR]. Si cela se fait, c'est bien : les parents pourront questionner leur médecin et cela fera bouger les choses » conclut-il.
Serge Tisseron, 3-6-9-12 : Apprivoiser les écrans et grandir ? Ed Érès, 1re édition 2013, 133 p., 10 euros.
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