De notre correspondant
L ES chiffres américains donnent toujours un peu le vertige : en gros, on peut dire que les Etats-Unis, dont la population est quatre fois et demie supérieure à la nôtre, consacrent à leur santé dix fois plus d'argent que nous. Ce qui revient à dire que la dépense par habitant aux Etats-Unis est d'au moins deux fois supérieure à celle de la France.
Or, manifestement, les Américains ne sont pas mieux soignés que nous, sinon ils battraient des records de longévité et de qualité de vie. Le ratio entre la dépense et son efficacité fait que, dans le classement international de l'OMS, la France arrive en tête et les Etats-Unis à une piteuse quarante-septième place.
Cela dit, et contrairement aux apparences que décrivent les nombres bruts, la croissance des dépenses de santé aux Etats-Unis a fortement décéléré : les taux annuels dépassaient les 10 % dans les années quatre-vingt, ils sont retombés à 5 % et moins dans la décennie 1991-2000.
Le rapport fédéral qui fournit ces évaluations explique principalement le ralentissement de la croissance des dépenses de santé par la très forte expansion économique des neuf dernières années. Certes, à près de 13 % du PIB, les dépenses américaines de santé dépassent de 4 % celles de la France, en proportion du PIB. Mais, dans les années quatre-vingt, le taux de 14 % avait été dépassé.
En d'autres termes, l'augmentation des dépenses de santé aux Etats-Unis n'a pas rattrapé le taux de croissance ; en revanche, le développement économique a permis de consacrer encore plus d'argent à la santé puisque, entre 1997 et 1999, la dépense totale de santé est passée de moins de 1 000 milliards de dollars à 1 200 milliards, soit plus de 20 % d'augmentation.
Cette formidable capacité de la machine économique américaine à financer un système de soins toujours en expansion fait le bonheur des professionnels de santé, notamment des médecins, dont les revenus sont, en moyenne, deux à trois fois supérieurs à ceux de leurs confrères français. Elle indique l'obsession d'un peuple riche pour sa santé ; obsession déçue puisque les moyens technologiques mis à la disposition de la population ne concernent pas vraiment ceux qui ne peuvent pas payer ou ne sont pas assurés.
Katharine Levit, directrice du groupe, qui, au sein de la Health Care Financing Administration (HCFA, agence fédérale chargée de surveiller l'évolution du système de santé) a établi ces chiffres, déclare que « le ralentissement de la croissance des dépenses de soins pendant sept ans est sans précédent. Il est dû à la croissance et aux mesures prises par les Health Maintenance Organizations (HMO) et les compagnies d'assurance-maladie pour contenir les coûts ».
Mais si, entre 1998 et 1999, la hausse des dépenses de santé a été de 5,6 %, si elle a été de 4,8 % entre 1997 et 1998, elle va, selon les projections de l'HCFA, s'accélérer et atteindre 8,3 % en 2000 et 8,6 % en 2001. Pourquoi ? Parce que, explique Mme Levit, « la croissance ralentit, les économies possibles ont été réalisées, l'effet inflationniste est toujours plus grand en matière de santé que dans le reste de l'économie, donc les prix augmentent, à la fois en médecine hospitalière, avec des technologies de plus en plus performantes et en médecine de ville où le soignant, souvent bridé par les HMO et l'assurance-maladie, se rattrape en augmentant le prix de l'acte à l'unité ».
En outre, explique Mme Levit, le prix du médicament explose, principalement parce que des spécialités innovantes, réclamées par les patients, sont mises sur le marché à un prix élevé. En 1999, la dépense de médicament a augmenté de 17 %, pour atteindre 100 milliards de dollars (700 milliards de francs, plus que tout le budget français de l'assurance-maladie).
En même temps, et en dépit de certaines idées préconçues, de plus en plus d'Américains sont assurés et n'hésitent donc plus à se faire soigner. En 1988, 27 % des salariés des entreprises offrant une couverture maladie étaient assurés (c'est-à-dire qu'ils payaient leur quote-part pour bénéficier de l'assurance). En 1999, cette proportion a plus que triplé : elle est passée à 91 %.
L'HCFA ajoute que, grâce à la croissance, donc à la prospérité des entreprises, les contrats d'assurance-maladie ont été chaque année plus généreux, ce qui a permis aux salariés de bénéficier de soins plus fréquents, mais a contribué à l'augmentation globale des dépenses. Avec le ralentissement de la croissance, on peut craindre que la police d'assurance-maladie ne soit de plus en plus chère, avec des prestations moins complètes.
D'autres chiffres
De 1994 à 1998, le prix de l'assurance-maladie aux Etats-Unis a augmenté de 5 % par an. En 1999, il a augmenté de 6,5 %.
Les actions fédérales contre la fraude financière et des contrôles plus stricts sur le fonctionnement de Medicare (assurance des personnes âgées) ont porté leurs fruits : la dépense de soins à domicile, qui augmentait de 19 % entre 1988 et 1996, a diminué de 1 % entre 1996 et 1999.
La dépense hospitalière va augmenter : des budgets pour l'hôpital supprimés en 1997 ont été rétablis en 1999.
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