Jusqu'au début des années 1980, la douleur de l'enfant a fait l'objet d'un véritable déni. La communauté médicale estimait notamment qu'en raison de son immaturité neurophysiologique, le nouveau-né était insensible à la douleur.
Celle-ci n'est reconnue et traitée chez le tout-petit, de façon systématique, qu'à partir du milieu des années 1980 lorsque le Dr Sunny Anand, anesthésiste, démontre dans une étude la réalité de la douleur chez le prématuré et le nouveau-né. Il publie, en effet, un article* mettant en évidence le fait que les nouveau-nés - opérés d’une fermeture du canal artériel - ayant reçu un morphinique ont moins de réactions physiologiques « liées au stress » potentiellement graves, (hypertension artérielle, tachycardie, hyperglycémie,…) que ceux qui n'en ont pas bénéficié. Grâce à cette étude, la réalité de la douleur des nouveau-nés est objectivée.
Depuis, cette découverte, l’analgésie de l'enfant s'est nettement améliorée. La douleur de l'enfant présente plusieurs grandes spécificités. Le tout-petit est, très vite, envahi par la douleur car il a du mal à la localiser. « Ce n'est qu'en grandissant qu'il peut discriminer précisément la douleur. L’enfant ne dispose pas encore de la totalité des capacités cognitives qui lui permettent de comprendre et de pondérer les messages sensoriels. Ce qui majore sa détresse et donc, sa douleur. Par ailleurs, l'univers de l'hôpital apparaît inhospitalier aux yeux d’un enfant », explique Bénédicte Lombart, infirmière cadre de santé, formatrice en hypnoanalgésie ; auteure du Manuel d’hypnoanalgésie pour les soins en pédiatrie (association Sparadrap).
Dissociation et transformation de la douleur
En complément de l'analgésie pharmacologique, l'hypnoanalgésie a toute sa place pour atténuer, voire soulager la douleur de l'enfant liés à des actes de soin. Pour aider les professionnels de santé à s'approprier les principes de l'hypnoanalgésie, Bénédicte Lombart en collaboration avec Céline Guiot et Nadège Manoury (avec le soutien éditorial de l'association Sparadrap) leur a dédié un ouvrage à la fois théorique et pratique sur le sujet. « Ce manuel comporte deux parties. La première explique les étapes du processus hypnotique. Le soignant va s'imprégner des étapes qui lui serviront de fil conducteur lors des soins pédiatriques. Il s’agit de faire "voyager" l'enfant, de l’inviter à utiliser son imaginaire. L’objectif est d’installer l’enfant dans un état de bien-être et de sécurité ce qui l’aidera à se dissocier de la douleur et de la peur. Cette dissociation peut se faire par le biais du récit, de métaphores, de jeux et de suggestions sensorielles », indique Bénédicte Lombart. Pendant le soin, le fait, par exemple, de demander à l’enfant de souffler dans une bulle de savon, de regarder celle-ci s'envoler et de l’imaginer en train de s’éloigner très loin peut être propice à la dissociation. « Il s'agit de montrer à l'enfant, via le souffle, qu'il peut mettre à l'extérieur et transformer tout ce qui pèse à l'intérieur de lui (douleur, chagrin...) », confie Bénédicte Lombart. La deuxième partie du manuel comporte de nombreux exemples pratiques (15 fiches de scripts d'hypnoanalgésie) adaptés à différents types de soins : prise de sang, changement d'une poche de stomie, ponction lombaire. En effet, la manière d’accompagner un soin en hypnoanalgésie varie selon l'âge de l'enfant, la durée du soin, et selon que l’on maitrise le pic douloureux ou non. Outre le manuel, l’équipe de formateurs de l'association Sparadrap se déplacent partout en France pour former médecins, infirmiers et auxiliaires médicaux à la distraction et l’hypnoanalgésie pour accompagner les soins pédiatriques quotidiens.
*S. Anand, « Randomised trial of fentanyl anaesthesia in preterm neonates undergoing surgery : effects on the stress response », The Lancet, 1987.
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