Cardiomyopathie

De la génétique à la thérapeutique

Publié le 15/06/2017
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Plusieurs publications récentes confortent la place grandissante de l’origine génétique des cardiomyopathies dilatées (CMD) dont on sait qu’elles sont familiales dans au moins un tiers des cas et une mutation pathogène identifiée dans environ 45 % des cas avec de larges panels de gènes analysés par méthode de séquençage haut débit.

Déterminisme génétique de la cardiomyopathie dilatée

Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine en 2016 s’est attachée à étendre le concept et déterminer si des formes classiquement acquises de dysfonction myocardique comme la cardiomyopathie du péripartum (CMPP) pouvait avoir un déterminisme génétique. Les auteurs, principalement américains, ont analysé 172 femmes avec CMPP via un panel de 43 gènes habituellement impliqués dans la CMD (notamment le gène de la titine, le plus fréquent de ces gènes) [1]. Une mutation pathogène et drastique de type « tronquant » a été identifiée chez 15 % des femmes (deux-tiers dans le gène de la titine). Ce résultat démontre que la CMPP partage parfois une origine commune avec la CMD, avec un profil de gènes impliqués qui est très proche.

Une autre étude, coordonnée par l’équipe de la Pitié-Salpêtrière à Paris, a cherché à identifier des gènes de susceptibilité dans les formes sporadiques et multifactorielles de cardiomyopathie dilatée. Les auteurs ont réalisé une étude d’association « exome entier » dans une population de 2 796 patients avec CMD et 6 877 sujets contrôles (2). Ils ont ainsi identifié 8 loci ou variants génétiques indépendants et fréquents qui sont très significativement associés au risque de développer la maladie. Cette étude démontre le rôle important des facteurs génétiques au-delà des formes strictement familiales et mendéliennes de CMD.

Ces avancées récentes des connaissances génétiques dans la CMD ont conduit un groupe d’experts à produire un document de consensus européen sous l’égide de la Société européenne de cardiologie afin de réviser la définition et les critères diagnostiques de cardiomyopathie dilaté, et à préconiser un certain nombre de recommandations de prise en charge (3) sur des aspects non couverts par les récentes « ESC Guidelines » sur l’insuffisance cardiaque. Le document préconise notamment des critères diagnostiques cliniques ajustés pour le diagnostic des formes débutantes, en particulier chez les apparentés. Il refait le point sur le bilan cardiologique minimal à visée étiologique, incluant notamment le test génétique dans les formes familiales de CMD ou dans les formes apparemment sporadiques associés à des atypies cliniques comme un bloc auriculo-ventriculaire ou des CPK élevés. Il insiste sur l’importance du bilan cardiaque chez les apparentés quel que soit le contexte familial ou pas de la maladie. Enfin, le document décrit l’intérêt d’une prise en charge cardiologique ajustée à la cause sous jacente. Un exemple est celui des mutations du gène des Lamines A/C (gène LMNA) qui est associé à un haut risque de mort subite par arythmie ventriculaire ou bloc auriculoventriculaire, conduisant à préconiser une implantation précoce de défibrillateur prophylactique, et de stimulateur, avec des critères différents des formes conventionnelles de CMD (4).

Application thérapeutique dans la cardiomyopathie hypertrophique

L’origine génétique des cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) est connue depuis plus longtemps, avec le rôle prépondérant des mutations dans les gènes codant les protéines du sarcomère. Plusieurs études récentes ont montré que les mutations de ces gènes sarcomériques induisent le plus souvent un gain de fonction avec une hypercontractilité au cœur de la physiopathologie. Ces nouvelles connaissances ont conduit à développer de nouvelles approches thérapeutiques. Un pas important a été franchi en 2016 avec la publication d’une étude montrant l’intérêt d’une nouvelle molécule pharmacologique (MYK-461) qui inhibe la contractilité du sarcomère (via l’activité ATPasique de la chaîne lourde bêta de la myosine). La molécule possède un puissant effet de régression de l’hypertrophie et de la fibrose dans un modèle murin de CMH par mutation de la chaîne lourde bêta de la myosine (5) et des essais cliniques ont débuté chez l’homme. Ces travaux démontrent l’impact potentiel des connaissances génétiques en terme thérapeutique.

Professeur des universités, praticien hospitalier, coordinateur du Centre de référence pour les maladies cardiaques héréditaires (Paris) et de la Filière nationale de santé CARDIOGEN. CHU Pitié-Salpêtrière (Paris) et CHU Ambroise Paré (Boulogne-Billancourt)
Ware JS et al. N Engl J Med 2016;374(3):233-41
Esslinger U et al. PLoS One. 2017;12(3):e0172995.
Pinto YM et al. Eur Heart J 2016;37(23):1850-8
Kumar S et al. JACC 2016;68(21):2299-307
Green EM et al. Science 2016;351(6273):617-21

Pr Philippe Charron

Source : Bilan Spécialiste