« On a vu ces dernières années des soignants gazés, matraqués par des CRS, maintenant on vient nous supplier de partir au combat dans la tenue où je suis sur la photo », s'étrangle-t-il. 

Le Dr Colombié n'hésite pas à établir « un parallèle » avec son grand-père maternel, Poilu de la Première Guerre mondiale qui était dans les tranchées et tirait les lignes de téléphone sur les champs de bataille. « Je n'ai pas envie d'être sacrifié », répète depuis quelques jours dans les médias le généraliste, qui ne dispose, comme ses confrères que de 18 masques par semaine.

Après 31 ans d'exercice de la médecine et à six ans de la retraite, Alain Colombié, qui exerce avec trois confrères dans un secteur de 10 000 habitants, se sentait « fatigué » et « n'avait pas envie de faire la guerre ». Et surtout pas de la livrer « nu ».

Depuis quelques jours, le médecin invite les soignants à arborer un brassard "chair à canon" comme le sien. « Vous pouvez mettre ce brassard sur votre profil (du réseau social, NDLR), sur votre véhicule mais évitez de le porter sur vous pour ne pas qu’il serve de point de fixation au Covid », poste-t-il sur Facebook. 

Conscient de représenter "le cheval de Troie" du coronavirus, le médecin a renoncé à aller rendre visite à des patients âgés qui souffrent de polypathologies. « Je suis là pour eux, mais il est hors de question que je leur fasse courir un danger supplémentaire », ajoute-t-il.

C'est un réseau d'infirmières « fantastiques et très professionnelles », qui fait le lien, envoie des photos d'une plaie ou d'une escarre pour obtenir un diagnostic et des consignes. Alain Colombié rassure aussi ses patients par téléphone et se déplace quand il le faut.

Lundi dernier, le médecin a eu une dizaine de patients en téléconsultation et en a vu six physiquement « habillé le mieux possible, avec l'équipement qu'on trouve ».

Lorsqu'il rentre chez lui, le Dr Colombié se déshabille totalement dans son garage, va directement prendre une douche, tandis que sa femme, également médecin et psychothérapeute, lave tous les endroits où il est passé à la javel. « Je me fais du souci pour mon épouse opérée l'an dernier et qui est immunodéprimée, j'ai peur de ramener le virus à la maison », confie le médecin.

Ch. G. avec AFP