L IONEL JOSPIN devra bientôt décider d'introduire ou non le clonage thérapeutique dans le projet de la loi de révision bioéthique qu'il présentera au Conseil des ministres en mars.
Il a reçu pour l'instant deux avis contradictoires : celui, négatif, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme et celui, favorable, du Comité consultatif national d'éthique qui sera rendu public mercredi.
Précautions
Sur cette question touchant à l'éthique biomédicale, le Premier ministre prend de nombreuses précautions : il prévoit, après une réunion interministérielle, de consulter le Conseil d'Etat, rapporte un député socialiste. Puis de s'enquérir de l'avis du Conseil constitutionnel. Peu importe que l'on ait largement dépassé le temps imparti. En 1994, le législateur prévoyait en effet que la révision de la loi bioéthique devait intervenir dans un délai maximal de cinq ans.
En présentant les grandes lignes de l'avant-projet de la loi relative au don et à l'utilisation des éléments du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation (AMP), au diagnostic prénatal et à la recherche sur l'embryon, Lionel Jospin avait innové (« le Quotidien » du 30 novembre 2000). D'une part, il autorisait la recherche à finalité médicale sur les embryons surnuméraires (embryons congelés issus d'une AMP qui ne font plus l'objet d'un projet parental) et, d'autre part, il ouvrait la voie au clonage thérapeutique.
Trois objections
Tel qu'il est aujourd'hui rédigé, l'article L. 1245-3 de l'avant-projet de loi rend possible la constitution de lignées de cellules souches d'origine embryonnaire. Ces cellules proviennent des premiers stades du développement embryonnaire qui précèdent le stade de la différenciation tissulaire. Si le texte indique que la constitution d'embryons à partir de cellules souches d'origine embryonnaire est interdite, aucune précision n'est donnée sur l'origine de la première cellule. Elle peut provenir, certes, d'un embryon surnuméraire, mais aussi de techniques différentes, comme le transfert de noyaux de cellules somatiques.
Or, la Commission des droits de l'homme fait trois objections contre ce dernier procédé, encore appelé clonage thérapeutique. En premier lieu, estime-t-elle, « il est fondamental que subsiste l'interdiction de constituer, par le biais de l'assistance médicale à la procréation et parce que les embryons surnuméraires se révéleraient insuffisants, des embryons destinés à alimenter les demandes des chercheurs ». Elle se demande, en deuxième lieu, si les perspectives thérapeutiques dont il est question sont suffisamment mûres pour « peser à ce point dans la balance ».
La troisième objection touche au problème de l'origine des ovocytes. Selon la Commission, les conditions de leur prélèvement « et de la protection des femmes contre des pressions faites au nom de la recherche doivent trouver une solution, qui n'apparaît pas encore clairement ».
Loin d'avoir été unanimement partagé par les membres, l'avis rendu par la Commission des droits de l'homme s'oppose finalement au clonage thérapeutique. A l'inverse, le Comité d'éthique s'est prononcé, à une petite majorité, en sa faveur. Le fait est qu'il est encore difficile de déterminer avec précision, pour les scientifiques eux-mêmes, les risques et les bénéfices du clonage thérapeutique. On ne peut pas en tout cas soupçonner les deux instances consultatives de ne pas considérer les perspectives de recherches qui ouvrent de grands espoirs thérapeutiques. Pour les uns, ces recherches, encadrées suffisamment par l'avant-projet de loi, ne doivent pas être différées au profit d'autres voies. Pour les autres, il s'agit au contraire de développer ces dernières : la constitution de lignées de cellules souches peut également provenir du sang ftal, du cordon ou de cellules adultes, fait valoir l'un des membres du Comité d'éthique. « A ce jour, il n'y a pas de nécessité scientifique à passer par-dessus ces réflexions éthiques (sur le statut de l'embryon). Les deux opinions doivent être présentées », estime ce sage. Il est toujours plus difficile de trancher, surtout en période électorale.
Schwartzenberg pour une interdiction internationale du clonage humain
Le projet du Dr Antinori de former une coalition pour réaliser un clonage humain (« le Quotidien » du 29 janvier) a suscité une vive réaction du ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg, qui estime qu'il « doit être condamné avec la plus grande énergie ».
« Cette volonté déraisonnable de manipulation de la vie humaine est contraire aux valeurs éthiques les plus fondamentales », souligne le ministre dans un communiqué, en souhaitant que l'interdiction du clonage humain, qui figure dans le projet de loi de bioéthique, « soit explicitement décidée aussi au plan européen et au plan international ».
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