« Q UICONQUE aujourd'hui va en voiture du Fayet à Chamonix par une belle journée d'été se trouve d'emblée confronté à une évidence : celle d'une pollution générale insoutenable. Et il aura beau jeu d'ironiser : les gaz d'échappement devant rendre bientôt le mont Blanc invisible pour les visiteurs de la vallée, va-t-il falloir projeter sur des panneaux publicitaires les vues successives des glaciers du temps où la vallée de Chamonix était une vallée alpine? »
Aussi lyrique qu'il soit, ce texte, qui figure sur la première page du site de l'Association pour le respect du site du Mont-Blanc (ARSMB*), reflète une profonde inquiétude. C'est pour la faire partager aux membres du gouvernement que l'ARSMB organise une manifestation, demain à Paris, devant le ministère des Transports, avec la Compagnie des guides de Chamonix, plus de 60 associations ou ONG des Alpes, des Vosges, des Pyrénées, des élus locaux mais aussi italiens et suisses.
Le maire écologiste de Genève, Alain Vaissade, a d'ailleurs décidé de rejoindre l'ARSMB et de la soutenir financièrement pour toutes les procédures juridiques qu'elle lancera contre le gouvernement français et la société de gestion du tunnel. « Le gouvernement français a prévu la réouverture du tunnel du Mont-Blanc en septembre 2001. La ville de Genève, consciente de l'impact d'une telle mesure sur toute la région en termes d'environnement et de sécurité pour les utilisateurs - graves pollutions, risques liés au trafic - est déterminée à entreprendre des actions pour s'opposer au retour des poids lourds », assure le conseil administratif de la ville.
150 000 signatures
L'ARSMB, qui veut encourager le développement du ferroutage et préserver le site naturel du Mont-Blanc, a déjà récolté 150 000 signatures pour une pétition contre le retour des camions à Chamonix. « Nous allons déposer, la semaine prochaine, un premier recours au tribunal administratif de Grenoble, pour carence de consultation publique dans le cadre de l'ouverture des travaux de réhabilitation du tunnel du Mont-Blanc, indique le président de l'association, Georges Unia. Nous déposerons ensuite un second référé sur les taux de pollution atmosphérique qui dépassent largement les seuils préconisés par l'OMS, en particulier pour le dioxyde d'azote. »
Créée en 1991 à l'initiative de professionnels de la haute montagne, de riverains de la Route blanche et de résidents de la vallée de Chamonix, l'ARSMB s'est tout d'abord opposée au projet, abandonné depuis, de construction d'un second tunnel autoroutier. Elle a repris ses activités cinq ans plus tard, face à la progression des chiffres du trafic routier sur la Route blanche, et notamment du trafic des poids lourds. Et depuis la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc, en 1999, les membres de l'ARSMB ne désarment pas.
« Le risque de pollution est incontestable : la vallée de Chamonix, encaissée, est très peu ventée. La couche de pollution a donc tendance à stagner, explique au « Quotidien » le Dr Eric Lasserre, membre de la Fédération européenne du Mont-Blanc. Alors que le tunnel du Mont-Blanc est fermé, Chamonix a un taux de pollution plus élevé que d'autres villes plus peuplées. Si l'on prend l'exemple d'une journée froide et ensoleillée comme celle du 31 janvier dernier, on obtient, sur Chamonix, un taux de dioxyde d'azote de 111 mg/m3 alors qu'à Chambéry, il atteint 76 mg/m3. Il faut choisir : ou bien l'on veut préserver un site naturel exceptionnel ou bien l'on veut privilégier le réseau routier. »
Entre la « dictature du tout économique et la vision angélique d'une nature originelle », l'ARSMB a opté pour une position fondée sur le développement durable. Elle défend le projet de réalisation d'un tunnel ferroviaire reliant la France et l'Italie et milite pour la disparition du trafic international routier empruntant la Route blanche. Selon elle, le trafic du Mont-Blanc doit être réservé au trafic des véhicules de tourisme. Car on ne peut pas non plus oublier que la région chamoniarde est, comme le dit le président de l'ARSMB, le « 3e site naturel le plus visité au monde ».
2 milliards de francs pour le tunnel du Mont-Blanc
Le coût des travaux et de mise aux normes de sécurité du tunnel franco-italien du Mont-Blanc s'élèvera finalement à 2 milliards de francs (304,9 millions d'euros), a indiqué, la semaine dernière, la Société autoroute et tunnel du Mont-Blanc (ATMB). Après une première estimation sommaire de 800 millions de francs effectuée après l'incendie de mars 1999, le coût de la remise en état du tunnel avait été fixé à 1,32 milliard de francs en mai 2000.
Bertrand Lévy, directeur général de l'ATMB, a expliqué que ce surcoût est dû à des devis revus à la hausse par les entreprises et à de nouvelles exigences sur la qualité et la sécurité des travaux. Cette augmentation des coûts s'accompagne d'un nouveau report de la date de remise en service du tunnel. Les travaux de génie civil devraient être achevés vers le 15 avril prochain et les travaux d'équipement (électricité, ventilation, etc.), quatre mois plus tard. Après la programmation de six semaines d'essais, le tunnel devrait être rouvert à la fin septembre.
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