Brève

Cézanne vu de face

Publié le 06/07/2017

Avec Cézanne, la peinture change d’ambition ou de statut. Ce n'est plus une arme de séduction massive ou de provocation mais bien un instrument pour apprendre à mieux voir, à réfléchir. Le verbe ici doit être pris dans toutes ses dimensions et décliné sur la difficulté à percevoir. Maurice Merleau-Ponty, le philosophe cité dans le catalogue très précis de l'exposition, l'avait bien vu. Cézanne construit son œuvre sur une ambiguïté, une interrogation, qu'est-ce que percevoir qui renvoie à comment regarder ? Avec cette exposition qui montre uniquement des portraits d'hommes, de femmes et d'enfants, l'interrogation n'est pas seulement théorique. Elle s'incarne dans le vif du sujet. Le génie ici ne jaillit pas de manière spontanée. Pour le portrait d'Ambroise Vollard, le galeriste qui consacra une exposition complète à Cézanne et lui permet de connaître à la fin de sa vie un début de célébrité, le modèle posa pendant cent quinze séances. Elles commençaient à 8 heures du matin pour finir à 11h30. L'immobilité totale était requise. Lorsque Vollard osait bouger, il se faisait violemment réprimander. "Malheureux ! Vous dérangez la pose ! je vous le dis en vérité, il faut vous tenir comme une pomme. Est-ce que cela remue une pomme ?

Cette exigence là n'est plus requise pour le visiteur. Pour autant, l'exposition ne peut être qu’une simple déambulation. L'œil apprend à percevoir les différences de style, depuis les portraits au couteau, à la palette jusqu'au retour au pinceau. Bref, cette visite relève de l’expérience intérieure poursuivie par la lecture du catalogue qui replace l’œuvre dans l’histoire de l’art moderne.

Exposition jusqu’au 24 septembre 2017, Musée D’Orsay, catalogue édité par les éditions Gallimard, 39 euros.

Gilles Noussenbaum

Source : lequotidiendumedecin.fr