PRATIQUE
I. RAPPEL PHYSIOLOGIQUE
Filtration glomérulaire
La filtration glomérulaire normale est de 120 ml/min ce qui équivaut à 180 l/24 heures. Le débit protéique glomérulaire est de 12 kg/24 heures. Dans l'urine définitive dont le volume est de 1,5 l/24 heures, il y a moins de 100 mg de protéinurie.
Il existe un million de glomérules, dont la structure vasculaire est très riche. La barrière de filtration glomérulaire est constituée de l'endothélium des capillaires, de la membrane basale et d'une structure épithéliale : les podocytes. La barrière glomérulaire exerce une sélectivité de taille laissant passer les molécules jusqu'à 165 000 daltons, juste en dessous de la taille de l'albumine. La myoglobine, qui mesure 16 900 daltons, passe pour 75 %. La barrière glomérulaire est chargée négativement et il existe une sélectivité de charge : le dextran neutre passe à 50 %, chargé positivement à 80 % et négativement à 2,5 % seulement. Enfin, il existe également une sélectivité de forme : les structures rubanées passent plus facilement.
Réabsorption tubulaire
La réabsorption tubulaire s'effectue au tubule proximal par un mécanisme d'endocytose. A ce niveau existe également un catabolisme.
Enfin, la protéine de Tam-Horsfall est synthétisée par l'anse de Henlé.
La protéinurie physiologique varie de 40 à 80 mg/24 heures ± 20 à 40 mg/24 heures. La limite supérieure est de 150-200 mg/24 heures mais, même si la protéinurie est minime, un constituant monoclonal est pathologique.
II. PROTEINURIE PATHOLOGIQUE
Il existe quatre mécanismes de protéinurie pathologique : la protéinurie hémodynamique, la protéinurie par altération de la barrière glomérulaire, par altération de la réabsorption tubulaire et par production excessive saturant les capacités de réabsorption ou protéinurie de surcharge.
1) Protéinurie hémodynamique
Il en existe deux types : par hyperfiltration glomérulaire, comme dans la grossesse, le diabète de type 1, la drépanocytose ou l'obésité morbide. Le deuxième type est par augmentation du gradient de pression comme dans l'insuffisance cardiaque, les fièvres, les convulsions ou l'exercice physique intense.
2) Protéinurie orthostatique
Elle peut être constatée chez 2 % des adolescents. Elle est en règle inférieure à 1 g. Son mécanisme n'est pas connu avec certitude : anomalie anatomique ou hypersensibilité à des substances vasoconstrictives (angiotensine II, noradrénaline). On en fait la démonstration si la protéinurie, mesurée sur huit heures en position allongée, est inférieure à 50 mg. La fonction rénale est normale ainsi que la morphologie à l'échographie, la pression artérielle et le sédiment urinaire. Le pronostic est excellent, même si la protéinurie persiste à l'âge adulte dans 17 % des cas. La fonction rénale reste toujours normale.
3) Protéinurie glomérulaire
Elle est permanente mais variable. Elle est fonction du débit cardiaque, de la pression artérielle, des médicaments (AINS, IEC) qui l'abaissent. Elle n'est pas isolée et peut s'accompagner d'hématurie, d'insuffisance rénale, d'hypertension artérielle et de syndrome néphrotique avec albuminémie inférieure à 30 g/l. Elle peut s'intégrer dans un contexte clinique : diabète, maladie lupique où la maladie rénale est isolée. La biopsie rénale est usuelle, faite sous échographie.
La protéinurie peut être sélective comme dans la néphrose lipoïdique avec une structure glomérulaire intacte qui a perdu ses charges négatives. Dans la glomérulonéphrite proliférative et à dépôts, il existe une anomalie de structure de la barrière glomérulaire et la protéinurie est non sélective.
4) Protéinurie de surcharge
La structure glomérulaire et tubulaire est normale. La protéinurie de surcharge peut être constituée de chaînes légères, de l'hémoglobinurie, de la myoglobinurie et de la lysozymurie, qui se voit dans les leucémies monocytaires ou myélomonocytaires. Ces protéines ont un potentiel néphrotoxique et peuvent induire des tubulopathies.
5) Protéinurie tubulaire
Elles sont de faible poids. Il peut s'agir de bêta-2-microglobuline, de Retinol Binbing Protein, de chaînes légères ou d'acides aminés. Les maladies en cause sont rares et se voient surtout chez l'enfant : maladie de Wilson, de Fanconi, cystinose, hypokaliémie ou toxiques. En fait, la première cause de dysfonction tubulaire est la glomérulopathie.
6) Microalbuminurie
Il s'agit d'un débit urinaire d'albumine compris entre 30 et 300 mg/24 heures, sans protéinurie avérée (la bandelette est négative). Elle est dépistée chez le diabétique si le rapport albumine/créatinine dans les urines est supérieur à 30 mg/g. Il existe une grande variabilité inter-individuelle et elle est fonction du contrôle glycémique. Il ne faut en affirmer la positivité que si deux dosages sur trois sont positifs sur une période de six mois. Elle a un intérêt pronostique au cours du diabète car si elle est positive, la néphropathie s'observe dans les années qui suivent dans 87 % des cas contre 4 % si sa recherche est négative. La mortalité est de 10 % dans les trois ans si elle est positive et de 5 % si elle est négative.
III. ASPECTS PRONOSTIQUES
La protéinurie est un marqueur des néphropathies glomérulaires, comme la créatininémie, la pression artérielle et l'existence d'une fibrose histologique. Il s'agit d'un médiateur de la fibrose glomérulaire et interstitielle des néphropathies glomérulaires. Il existe des médicaments antiprotéinurie : les IEC et les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine. Il faut souligner l'importance de sa quantification répétée et donc de la fiabilité des dosages.
Devant une protéinurie il faut se poser les questions suivantes : est-elle permanente ? Est-elle isolée ? Et il faut connaître la créatininémie, la pression artérielle, la morphologie rénale, le sédiment urinaire. Existe-t-il un composant monoclonal ? Faut-il faire une biopsie rénale ? En général, la biopsie est faite sauf dans des circonstances particulières : s'il s'agit d'un enfant, si la protéinurie est isolée, de faible abondance, si le contexte est évident ou s'il s'agit d'une protéinurie de surcharge.
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