Progression de usagers
La consommation de cannabis a été très banalisée au cours de ces dernières années, la progression des usagers en témoigne. Il y aurait en effet plus de 4 millions d'usagers dans l'année dont 850 000 consommateurs réguliers (plus de dix fois par mois), soit 7 % des jeunes filles de 17 ans (18 % des garçons) et 450 000 usagers quotidiens. L'usage du cannabis a tendance à se prolonger au-delà de l'adolescence entraînant des problèmes méconnus par les usagers et les professionnels notamment au cours de la grossesse.
La prévalence de la consommation de cannabis pendant la grossesse est très variable en fonction des études : de 3 à 30 %. Cela risque d'être un problème important en France dans les années à venir compte tenu de l'augmentation de l'usage du cannabis chez les jeunes.
Si les femmes enceintes sont encouragées et soutenues pour le sevrage tabagique, elles sont peu informées sur l'impact du cannabis sur leur grossesse.
Certaines usent du cannabis pour lutter contre les signes du sevrage, se disent moins anxieuses... « Je suis arrivée à m'arrêter de fumer, je ne prends plus que deux à trois buzzs le soir... ça me détend, c'est cool pour le bébé, je dors mieux, je suis plus sereine... » Outre l'effet anxiolytique, le cannabis diminue les nausées et les vomissements du premier trimestre, ce qui favorise son utilisation par des femmes enceintes.
Le THC chez le foetus
Le THC (tétrahydrocannabinol) passe dans le sang foetal et son taux approche celui du sang maternel. Le THC se fixe très rapidement dans les tissus riches en lipides dont le cerveau.
L'usage de cannabis au cours de la grossesse n'a pas d'effet sur l'incidence des malformations congénitales, ni sur celle de la prématurité.
Certaines études épidémiologiques montrent une diminution modeste du poids de naissance (entre 100 et 200 g) en cas de consommation régulière au moins une fois par semaine pendant toute la grossesse.
Troubles du sommeil
Le nouveau-né présente plus souvent des troubles du sommeil chez les mères consommatrices de cannabis que chez ceux des mères non exposées. Ces enfants ont aussi au cours du premier mois plus de troubles du comportement : trémulations, diminution de la puissance des pleurs, diminution de la réponse visuelle aux stimuli lumineux.
Développement cognitif
Les dernières données de la littérature montrent que la consommation de cannabis au cours de la grossesse peut avoir un effet significatif sur la croissance de l'enfant et sur son développement cognitif.
Dès l'âge de 1 an jusqu'à 9-12 ans, le périmètre crânien est significativement inférieur chez les enfants dont la mère a usé du cannabis au cours de sa grossesse (Fried, 1999). Le cannabis au cours du deixième trimestre de la grossesse a un impact délétère sur la croissance, observé chez les enfants 6 ans.
Un auteur étudiant près de 600 enfants de 10 ans observe une hyperactivité, impulsivité, inattention significativement plus importantes chez ceux dont la mère a usé de cannabis lorsqu'elle était enceinte.
Plus intéressante encore est la relation positive entre altération du développement cognitif, troubles scolaires chez l'enfant et usage de cannabis au cours de la grossesse. Plusieurs études de cohortes le montrent.
Fried (2001) observe à 10 ans une réduction des capacités d'abstraction et de raisonnement en rapport avec la sphère visuelle alors que le QI global est identique à celui des enfants de mères non consommatrices. Richardson (2002) observe au même âge des troubles différents en fonction de la période d'exposition au cannabis :
- au premier trimestre de la grossesse : diminution des performances mnésiques ;
- au deuxième trimestre : troubles de l'attention, impulsivité.
Goldschmidt (2004) confirme aussi l'augmentation significative des difficultés d'apprentissage de la lecture et du calcul et plus d'anxiété et de dépression si l'exposition a eu lieu au premier trimestre et des échecs scolaires deux fois plus fréquents chez les enfants exposés au deuxième trimestre que chez ceux non exposés. Enfin, Fried (2003), étudiant des enfants plus âgés (13-16 ans), observe une diminution des performances dans les tâches mettant en jeu les fonctions exécutives chez les enfants exposés au cannabis in utero.
Informer
L'intérêt de ces études est de démontrer que l'usage du cannabis au cours de la grossesse n'est pas anodin. Beaucoup de jeunes femmes enceintes continuent à consommer car elles n'ont pas été informées sur les risques, banalisés et mal connus.
Face à l'expansion rapide des usagers de cannabis, la priorité doit donc être donnée à la prise en compte des usages problématiques. Pour cela, il est utile de favoriser un dépistage précoce au sein de la « masse » des jeunes consommateurs et dans les contextes à risque comme la grossesse, sans attendre les complications. Il faut aussi informer systématiquement sur les dangers du cannabis et favoriser l'accès à des prises en charge adaptées : entretiens motivationnels, thérapies brèves, soutien familial, relais spécialisés. Cela implique l'ouverture de consultations aisément accessibles aux jeunes et décloisonnées (multidisciplinaires et partenariales) et, dans le cadre de la grossesse, un travail en réseau avec tous les acteurs concernés dont la périnatalité.
D'après une communication du Dr J.-M. Delille dans le cadre des 6es Rencontres nationales « Femmes et tabac ».
Réf. : P. A. Fried, A. M. Smith. A literature review of the conséquences of prenatal marijuana exposure. An emerging theme of deficiency in aspects of executive function. « Neurotoxicol Teratol », 2001, 23 :1-11.
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