D ANS les années passées, si l'on s'est beaucoup intéressé à l'angiogenèse tumorale, on a en revanche négligé la lympho-angiogenèse. Les quatre nouvelles études dont il est ici question montrent qu'il faut rectifier le tir.
Un éditorialiste (Karl Plate) fait, dans « Nature Medicine », une bonne synthèse de ces quatre études.
« Tant qu'un cancer est confiné à son organe, le patient peut être traité par l'ablation chirurgicale de la masse tumorale, rappelle Karl Plate. Malheureusement, de nombreux cancers métastasent à d'autres sites du corps et les métastases constituent la principale cause de mortalité. »
En principe, les cellules cancéreuses peuvent disséminer par différents mécanismes : invasion aux tissus voisins, diffusion par voie sanguine et diffusion par voie lymphatique. On connaît encore peu de choses sur les diffusions hématogène et lymphatique.
C'est dans ce contexte que quatre équipes indépendantes montrent que deux membres récemment clonés de la famille du VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), VEGF-C et VEGF-D, non seulement sont d'importants facteurs de la croissance lymphatique (lympho-angiogenèse), mais aussi stimulent les métastases lymphatiques.
Les nouveaux ligands VEGF-C et VEGF-D
Le VEGF, identifié en 1989, stimule la vasculogenèse et l'angiogenèse. Il est notamment impliqué dans l'angiogenèse observée dans certaines maladies telles la rétinopathie diabétique, la polyarthrite rhumatoïde et dans la croissance tumorale. Le VEGF est actuellement considéré comme l'une des cibles les plus prometteuses pour l'inhibition de l'angiogenèse tumorale. Il exerce ses effets sur deux récepteurs, VEGF-1 et VEGF-2, qui sont exprimés préférentiellement (mais pas exclusivement) dans les cellules endothéliales. Aucun de ces deux récepteurs n'étant exprimé dans les lymphatiques, on en a cherché un troisième et, en 1995, l'équipe de Kaipanem a identifié le VEGF-3. Mais comme le VEGF ne se lie pas au VEGF-3, on a donc cherché d'autres ligands et identifié les VEGF-C et VEGF-D.
En utilisant quatre approches différentes en laboratoire, quatre équipes (celles de Mäkinen, de Skobe, de Staker et de Mandriota) démontrent maintenant le rôle important de VEGF-3 et de ses ligands C et D dans la lympho-angiogenèse, qu'elle soit naturelle ou tumorale. Sans entrer dans les détails, il apparaît que :
- une forme soluble de VEGF-3 est un important inhibiteur des ligands C et D ;
- le VEGF-C ou ses analogues pourraient être utilisés pour stimuler la lympho-angiogenèse thérapeutique chez l'adulte atteint d'un lymphœdème ;
- le VEGF-C et le VEGF-D stimulent la lympho-angiogenèse et les métastases lymphatiques.
Ajoutons à cela, comme le fait l'éditorialiste, une communication personnelle de K. Alitalo : des anticorps contre VGEF-D diminuent le nombre de métastases lymphatiques dans les tumeurs productrices de VEGF-D ; le VGEF-3 soluble peut inhiber la lympho-angiogenèse associée aux tumeurs chez la souris SCID à laquelle on a greffé un carcinome mammaire humain.
L'inhibition de VEGF-3 pour contrer les métastases lymphatiques
« Ces études constituent la première preuve expérimentale que les tumeurs sont capables d'activer la lympho-angiogenèse tumorale », estime l'éditorialiste.
« S'il apparait que les tumeurs humaines exprimant des taux élevés de VEGF-C et de VEGF-D ont toujours une forte incidence de métastases lymphatiques, l'inhibition de VEGF-3 pourrait constituer une nouvelle approche pour lutter contre les métastases lymphatiques chez les patients. »
« Une telle inhibition pourrait faire appel au domaine soluble extracellulaire de VEGF-3, à des anticorps neutralisant VEGF-3, à des inhibiteurs de faible poids moléculaire anti-VEGF-3 ou à des anticorps neutralisants dirigés contre VEGF-C et VEGF-D. »
« L'inhibition de l'angiogenèse est actuellement considérée comme l'une des stratégies thérapeutiques les plus prometteuses pour inhiber la croissance tumorale parce que l'on estime qu'elle peut agir sur tous les types de tumeurs, qu'elle n'induit pas de résistance (et peut donc être répétée) et qu'elle a peu d'effet sur les tissus sains. Il faut maintenant déterminer si cela est vrai également pour la lympho-angiogenèse tumorale. »
Toutefois, poursuit l'éditorialiste, il faut obtenir plus d'informations sur l'expression de VEGF-C et VEGF-D dans les tumeurs humaines. L'hypoxie, par exemple, induit l'expression de VEGF mais pas des ligands VEGF-C et VEGF-D dans les tumeurs. Il faut aussi explorer la présence de vaisseaux lymphatiques intratumoraux dans les cancers humains.
« Nature Medicine », février 2001, vol. 7, n° 2, pp. 186-191, 192-198 , 199-205, et éditorial pp. 151-152. « EMBO Journal » (sous presse).
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