Comment diminuer le risque élevé de récidive chez les patientes HER2 + présentant une maladie résiduelle après traitement néoadjuvant par anti-HER2 et chimiothérapie ? Une équipe allemande montre dans « The New England Journal of Medicine » avec un recul limité à 3 ans qu'un traitement adjuvant par le trastuzumab emtansine (TDM-1) diminue de 50 % le risque de récidive par rapport au trastuzumab simple.
« Ce sont de bons résultats, estime le Pr Éric Raymond, oncologue à l'hôpital Saint-Joseph à Paris. Mais ce sont des résultats intermédiaires à 3 ans, ce n'est pas suffisant. Les bénéfices sur la survie ne sont pas démontrés pour l'instant ».
Un anti-HER2 couplé à un inhibiteur des microtubules
Sur les 1 486 femmes ayant une maladie résiduelle après traitement néoadjuvant, l'étude KATHERINE montre qu'une récidive ou un décès est survenu dans 12,2 % des cas pour le groupe TDM1 (n = 91/743) et dans 22,2 % des cas pour le groupe trastuzumab (n = 165/743). Une dose de TDM1 ou de trastuzumab était administrée en IV toutes les 3 semaines pour 14 cycles.
Le trastuzumab emtansine a ceci de particulier qu'il associe un anticorps ciblant le récepteur HER2, le trastuzumab, à de l'emtansine (dérivé de la maytansine), un inhibiteur de microtubules. Théoriquement, ce médicament associant spécificité antitumorale et activité cytotoxique a le potentiel pour être plus efficace pour une toxicité limitée.
Aujourd'hui, le TDM1, commercialisé sous le nom de Kadcyla (Roche), a l'AMM en 2e ligne du cancer métastatique HER2 + déjà traité antérieurement par chimiothérapie et trastuzumab. Dans cette situation, le TDM1 a démontré améliorer la survie globale.
Mieux cibler les femmes candidates
Si ces bons résultats en adjuvant après traitement néoadjuvant se confirment, seront-ils de nature à modifier les pratiques en France ? Plusieurs questions restent en suspens. « La population de l'étude est large, estime Éric Raymond. Elle englobe les tumeurs T1 à T4 et N0 à N4, seules les T1aN0 et les T1bN0 étant exclues. Or en France, toutes les tumeurs T1c et T2 ne reçoivent pas forcément de traitement néoadjuvant. Et certaines femmes ayant une tumeur T3 ont une mastectomie d'emblée. Il faudrait savoir si certaines populations de femmes tirent davantage de bénéfices du TDM1, notamment les T3 et T4. »
Ce n'est pas la seule réserve. « Si après 6 mois de traitement néoadjuvant, il y a une maladie résiduelle, cela signifie que la tumeur n'est pas très sensible, poursuit l'oncologue parisien. Actuellement, dans ces situations, la tendance est d'administrer un anti-HER2 et un taxane. Est-ce que le TDM1 fait mieux qui est déjà fait avec l'association trastuzumab + taxane ? Cela reste à démontrer. »
Une toxicité significative
Si en théorie le caractère spécifique du TDM1 devait en limiter la toxicité, il s'avère que la tolérance est bien moins bonne que le trastuzumab, les plus graves étant des anomalies biologiques (thrombopénie, augmentation de la bilirubine, des transaminases), des neuropathies périphériques et une fraction d'éjection diminuée.
À ce sujet, Daniel Hayes du Michigan Rogel Cancer Center parle du « prix » du succès dans son éditorial. Le TDM1 a dû être arrêté chez 18 % (n = 133) des femmes traitées, par rapport à 2,1 % (n = 15) dans le groupe trastuzumab. Est-ce que le TDM1 pourrait être moins toxique que l'association trastuzumab + taxane. « Ce n'est pas sûr », indique Éric Raymond.
En dépit de ces réserves, ces résultats restent un bon signal pour la prise en charge du cancer du sein. « C'est encourageant, estime l'oncologue. Il n'y a aucun doute sur le fait que ce produit est actif sur les métastases et les formes plus localisées, c'est une arme supplémentaire dans le cancer du sein. »
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