Le mot « bronchite chronique » est communément employé dès qu'un patient se plaint d'exacerbations bronchiques itératives, deux à plusieurs fois par an. Cette appellation cache des situations très différentes : épisodes de toux (éventuellement avec expectoration claire ou jaune) et de dyspnée sans fièvre qui doivent faire rechercher un asthme, même chez un gros fumeur, toux productive témoignant d'un conflit dans la sphère ORI (sinusite, polypose naso-sinusienne), bronchites avec décalage thermique modéré (<38 °5) plusieurs semaines par an qui évoquent une vraie bronchite chronique, surtout si le patient a fumé plus de 100 000 cigarettes dans sa vie (un paquet par jour durant plus de treize années).
En revanche, nous sommes étonnés de voir porter le diagnostic de bronchite chronique chez des adolescents ou des adultes jeunes, chez des adultes non fumeurs de tout âge, sans exposition professionnelle à haut risque pour les bronches. Ces patients se plaignent de manière continue ou itérative d'expectoration purulente (jaune ou verte, parfois teintée de sang) avec ou sans fièvre ; ils sont en général traités par des antibiothérapies répétées, associées à des fluidifiants ou à des antitussifs, avec un succès très relatif. C'est le moment de penser plutôt aux bronchectasies ou dilatation des bronches : handicap respiratoire notable qui fait oser un protocole thérapeutique bien différent de celui de la bronchite chronique.
Treize ans de retard diagnostique
Une enquête auprès de 200 pneumologues, en 1991, a montré qu'il fallait en moyenne treize années pour porter, après l'apparition des premiers symptômes, un diagnostic de dilatation des bronches. Ce diagnostic se fait préférentiellement par un scanner thoracique simple, demandé devant des signes d'encombrement bronchique avec bronchorrhée, et une auscultation témoignant de nombreux râles, surtout aux bases.
Une maladie dite orpheline. Portrait-type
On recense en France au moins 30 000 malades atteints de dilatation des bronches. Il s'agit d'une maladie au sex-ratio étonnant : 65 % de femmes sont concernées. Si la plupart des patients déclarent présenter des troubles remontant à l'enfance ou à l'adolescence, le diagnostic a été porté dans 60 % des cas après l'âge de vingt ans, ce qui témoigne, outre du retard au diagnostic, d'une période de latence entre la lésion initiale (pneumopathie, abcès, tuberculose...) et le début de la bronchorrhée invalidante. Près de 50 % ont été hospitalisés au cours des cinq dernières années et 10 % ont une oxygénothérapie supérieure à 15 heures par jour. Le retentissement est toujours très important sur la vie familiale et sociale.
Des associations inattendues
Il a été décrit des associations avec la polyarthrite rhumatoïde (3 %), la rectocolite hémorragique, l'iléite de Crohn, les déficits immunitaires humoraux... La dilatation des bronches peut traduire aussi l'existence d'une des nombreuses maladies génétiques du tapis mucociliaire, soit du mucus avec les anomalies du gène CFTR (la mucoviscidose...), soit des cils de la muqueuse bronchique. Près de 25 % de ces patients présentent un asthme concomitant, à savoir une fréquence cinq fois plus grande que dans la population française globale.
En plus de son caractère classique de maladie infectieuse, la dilatation des bronches prend des accents de maladie inflammatoire, et une réflexion sur l'utilité des corticoïdes inhalés ou oraux est justifiée dans certaines de ces associations. Certains patients bénéficient davantage d'un traitement anti-inflammatoire au long cours que des antibiothérapies itératives.
Des essais thérapeutiques
Quelques équipes de cliniciens évaluent l'intérêt des macrolides comme facteur d'assèchement des bronches, d'antibiotiques en nébulisation (colimycine, nétromycine) afin d'atténuer les surinfections les plus sévères, des corticoïdes inhalés et des macrolides pour diminuer la pathogénicité de la colonisation bronchique par les pyocyaniques, de la ventilation au masque pour les patients qui sont au stade l'insuffisance respiratoire.
Le drainage bronchique, base du traitement
Chez 75 % des patients au moins, le drainage bronchique est le traitement le plus efficace : séances une à trois fois par jour avec une formation initiale par un kinésithérapeute spécialisé, et une évaluation annuelle pour vérifier la technique et relancer la motivation. Pour beaucoup de patients, il faut aussi effectuer une toilette des fosses nasales par lavage au sérum physiologique. Ce seul schéma thérapeutique suffit à améliorer de façon notable la qualité de vie et à limiter l'antibiothérapie lors des exacerbations dues aux viroses automno-hivernales.
Les indications opératoires sont exceptionnelles (formes souvent bilatérales) et les résultats d'une exérèse partielle demeurent incertains à moyen terme.
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