CETTE TRILOGIE de l'injure est-elle pour autant adaptée à la campagne électorale ? Aucun de nos illustres candidats n'est vraiment dans la situation de l'enfant de Prévert. En revanche, aucun ne mérite les insultes qui sont échangées, principalement entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy.
Pour commencer, Mme Royal ne peut pas ajouter une once d'hypocrisie à son franc-parler. Elle a bel et bien traité M. Sarkozy d'ignoble au sujet de ses commentaires sur le resquilleur de la gare du Nord. Le candidat de l'UMP lui a alors fait remarquer qu'elle perdait son sang-froid, et maintenant c'est Vincent Peillon, porte-parole de Mme Royal, qui affirme que M. Sarkozy perd le sien. On n'a même pas droit à l'imagination philologique en l'occurrence : tous les deux, Sarko et Ségo, sont dans le même bateau de la perte de sang-froid et de l'hystérie.
Une campagne « digne ».
Madame, Monsieur, peut-on envisager une trêve de l'injure ? Pourriez-vous débattre sur les enjeux socio-économiques au lieu de vous étriper comme deux catcheurs de foire ? On rappellera à Ségolène qu'elle a demandé d'emblée une campagne digne. Elle a tenu bon quelques semaines et puis, tout à coup, apparemment excédée par des coups « sous la ceinture », comme elle le prétend, elle a lancé un ultimatum à Nicolas, et qu'il se le tienne pour dit, car, la prochaine fois, elle ne lui fera pas de cadeau.
Il y a eu un quotidien (à peine engagé avec la candidate socialiste) pour assurer que «Ségolène remet Sarkozy à sa place». De quelle place s'agit-il ? Et que signifie ce genre de menace de maîtresse d'école ? Mme Royal croit-elle qu'elle intimide M. Sarkozy ? Ou bien veut-elle nous faire admettre que la dignité et la vertu sont forcément de gauche puisque la gauche a une légimité populaire que la droite n'obtiendra jamais ?
En ce sens, le climat de la campagne est devenu agaçant. Nous, nous pensons qu'on n'a nullement besoin de voter Sarkozy pour estimer qu'il n'est ni ignoble ni menteur (nous voulons seulement dire qu'il ne ment pas davantage que tous les autres candidats) et que cette soudaine volonté du camp socialiste de stigmatiser la droite comme l'enceinte de tous les vices nous ramène à soixante-dix ans en arrière. La France d'aujourd'hui n'est pas celle des 200 familles, le vote à droite n'est pas le produit d'un complot (ni même d'ignobles mensonges) et s'il y a des accommodements avec le ciel à droite, il y a à gauche un passéisme dont tout le modernisme que Mme Royal porte en sautoir n'a pas réussi encore à se défaire.
Et c'est bien ce qui déroute les électeurs qui auraient voulu désigner une femme comme présidente, une femme qui porte merveilleusement sa beauté, une femme capable de reconnaître que «les 35heures ont été mal appliquées», une femme qui aurait pu se débarrasser des caciques qui l'entourent, une femme qui aurait pu apporter un peu de douceur aux moeurs politiques de ce pays, une femme qui aurait pu faire campagne sur le thème «Je veux être la présidente de tous les Français et il n'y en pas un qu'a priori je réprouve», bref une candidate hors de tous les partis.
LES SONDAGES NE SONT PAs BONS POUR MME ROYAL; ELLE A DECIDE DE RATISSER PLUS A GAUCHE
Les dogmes, encore et toujours.
Que voient-ils, ces électeurs ? Qu'en dépit de son indépendance affichée, Mme Royal n'a pas vraiment renoncé à certains dogmes : les 35 heures n'ont pas été mal appliquées : le concept de la réduction de temps de travail obligatoire et imposée à tous a été une catastrophe sociale, et nous n'avons pas fini d'en subir les effets. Mais qu'elle le dise !
Non seulement elle n'ose pas le dire, bien qu'elle le pense, peut-être parce qu'elle craint la toujours redoutable colère de Martine Aubry, mais de la manière dont les sondages se suivent, avec un recul de François Bayrou et la suprématie constante de Nicolas Sarkozy, n'est-elle pas tentée de rassembler les forces de la gauche, y compris l'extrême ?
Dans la certitude presque religieuse de son destin, une faille vient d'apparaître : si elle ne dépasse pas les 25 % au premier tour à 20 jours des élections, quand franchira-t-elle ce cap ? Quel phénomène transcendant lui rendra le droit de présider qu'elle a puisé depuis sa prime jeunesse dans l'autopersuasion ? Ségolène Royal, dans sa sérénité (et c'est bien vrai que, de ce point de vue, M. Sarkozy n'est pas parvenu à se détendre, ne fût-ce qu'en public et que l'image qu'il donne de lui est dommageable), Ségolène commence à douter. Le doute engendre l'acrimonie et l'agressivité ; l'accusation de laxisme lancée par la droite à la gauche a fait tant de ravages par le passé (ne pas oublier Jospin) qu'elle a décidé, sur le problème de la sécurité, de rendre coup pour coup, de ne pas laisser accroire qu'elle aussi serait faible, ou indulgente, ou complice.
Durcissement.
Mais dans ce cas, il ne fallait pas dire ignoble. On peut éprouver toute la mansuétude du monde pour les immigrés, les sans-papiers, les pauvres et ne pas tolérer qu'une gare soit transformée en champ de bataille pendant cinq heures par un homme (oserons-nous jamais écrire qu'un resquilleur, repris de justice par ailleurs, est un voyou ?) qui veut échapper aux rigueurs du règlement.
Le durcissement de la campagne, constaté par tous les observateurs depuis le début de la semaine, s'explique certes par la volonté de M. Sarkozy de détourner à son profit les voix de l'extrême droite : dans un contexte électoral très particulier, la moindre manoeuvre tactique fait l'effet d'un tsunami. Mais il s'explique aussi par la soudaine tension qui se manifeste à gauche : Ségolène n'aura pas manqué de conseillers, de Jack Lang à Arnaud Montebourg, pour exiger qu'elle parte à l'assaut de Sarkozy et qu'elle lui porte quelques coups sérieux. Ils n'ont pas tout à fait tort : la dignité, c'est bien, mais gagner, c'est mieux.
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