Assistance médicale à la procréation : les aspects psychologiques chez les parents

Publié le 30/01/2001
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REFERENCE

L'ambivalence du désir d'enfant
Les aspects médicaux et psychologiques sont liés pour partie aux bouleversements sans précédents que connaît notre époque du point de vue de la procréation et de la démographie.
Les connaissances somme toute récentes des mécanismes biologiques de la fertilité et de la reproduction ont permis la relative maîtrise de la non procréation. Ne pas avoir d'enfant lorsqu'on n'en veut pas a induit l'idée qu'on doit pouvoir en avoir dès qu'on en veut.
L'ambivalence du désir d'enfant, contré dans le passé par la survenue précoce et inopinée des grossesses, bat maintenant son plein ; il faut se décider à avoir un enfant et à arrêter la contraception. Cela a entraîné l'autre grand bouleversement de notre époque qui est le retard d'âge au premier enfant, supérieur à 29 ans actuellement, et l'allongement du délai entre deux naissances dans une famille.

Cumul de l'infertilité et du déclin lié à l'âge
Paradoxalement, alors que la science à fait tant de progrès, l'évolution spontanée de la société et des mœurs augmente le nombre de couples en difficulté par rapport à leur désir d'enfant.
Il y a donc cumul des problèmes médicaux de la fertilité avec ceux liés au déclin physiologique dû à l'âge croissant des patients.
Inversement, l'âge plus élevé des futurs parents avec généralement une situation socioprofessionnelle déjà réglée, ainsi que leur attente d'un enfant place l'arrivée de celui-ci dans des conditions relativement favorables.

Un couple sur dix voire sur six
Les couples qui viennent consulter dans ce domaine sont donc nombreux, d'un couple sur dix à un couple sur six selon les enquêtes.
Ils sont inquiets et attendent de la médecine une réparation rapide de leur trouble et incitent leur médecin à des investigations rapides et à des traitements précoces.

Souffrance et peur de la mort sans descendance
La peur de la stérilité inflige la souffrance de la finitude, réactive la peur de la mort sans descendance, c'est-à-dire la rupture de la chaîne symbolique qui nous relie à ceux qui nous ont précédés et à ceux qui nous succéderont, cette chaîne qui nous transcende et nous relie à l'immortalité.

Pour l'homme, atteinte de la virilité ; pour la femme, échec personnel
Pour l'homme, la stérilité signifie souvent atteinte de la virilité et de la puissance sexuelle.
Elle est lourde à porter dans notre culture où la place de l'homme est fragilisée, le carcan familial et les mœurs s'étant relâchés, même la transmission du nom du père n'est plus l'unique possibilité de filiation légale.
Pour la femme, la stérilité signifie plus l'impossibilité d'être enceinte qu'une absence de lien génétique. C'est en effet la grossesse qui lui confère le statut social et fantasmatique de mère, d'où un sentiment d'échec personnel et social si elle est impossible.

Le couple risque d'éclater
Le couple lui-même, face à sa stérilité, est ébranlé par une grave crise de légitimité susceptible de le faire éclater, ou au contraire de le faire évoluer vers plus de solidité.
A partir du diagnostic de stérilité, les couples solides ont à faire le deuil d'une procréation naturelle pour aborder une procréation artificielle, l'adoption, ou encore envisager une vie sans enfants.
Bien sûr ces choix dépendent aussi des éléments biographiques et des identifications de chacun des membres du couple.

Une lutte contre le processus de deuil de la fertilité
L'hypofertilité, contrairement à la stérilité, entraîne le couple vers une succession d'examens complémentaires puis de traitements qui le font passer par tous les stades de l'assistance à la procréation. Il s'agit souvent ici d'une lutte contre le processus de deuil de la fertilité, rendant celui-ci plus difficile si les traitements sont au bout du compte inefficaces.

Traitement sans don de gamète
En ce qui concerne les traitements sans don de gamète, le point essentiel pour le couple est la non rupture de la filiation biologique, lui épargnant les nombreuses inquiétudes sur la ressemblance parents/enfants et la blessure narcissique de ne pas transmettre son patrimoine génétique. Restent néanmoins trois problèmes psychologiques :
1) la dissociation sexualité/procréation, plus ou moins bien vécue par les couples et l'intrusion de la médecine dans leur intimité. Il faut y ajouter la question particulière d'une demande d'insémination masquant des rapports sexuels impossibles. Si l'insémination vient assurer la procréation, elle ne résout évidemment pas le problème sexuel. Dans ce cas, on peut s'interroger sur les répercussions ultérieures tant dans la dynamique du couple que dans celle de la famille ainsi créée ;
2) le stress lié aux techniques ; cela concerne tout particulièrement les fécondations in vitro et les ICSI qui à la fois demandent une grande disponibilité des femmes et consistent en des techniques intrusives et anxiogènes. S'y ajoute le stress lié aux résultats et le découragement cyclique que ressentent les couples face aux échecs ;
3) enfin, celui des stérilités psychogènes, où l'emploi des techniques vient forcer une résistance psychique qu'il vaudrait mieux prendre en compte en aidant le couple à élaborer cette résistance.

• Traitement avec don de gamète
Les traitements avec don de gamètes impliquent une rupture du lien biologique, soit unilatéral (don de sperme ou d'ovocyte), soit bilatéral (don d'embryon), et sont donc psychologiquement plus « lourds ».
1) L'insémination artificielle avec don de sperme (IAD).
L'homme stérile, exclu de la fabrication de l'enfant, peut se sentir en insécurité quant à sa paternité. Certains pères éprouvent des difficultés à trouver leur place dans la famille. C'est sans doute pourquoi la grande majorité des couples souhaitent garder le secret sur l'insémination et sur la stérilité. Le secret a un double rôle imaginaire : préserver l'image d'un père viril et le garder intégré dans la chaîne des générations ; en revanche, il peut être une gêne dans la relation avec les enfants où le couple à l'impression de leur cacher quelque chose d'important concernant leurs origines.
Lorsque la cause du recours à l'insémination n'est pas une stérilité mais est d'ordre génétique pour éviter la transmission d'une maladie, la psychologie est très différente ; l'homme n'est pas stérile, c'est la lignée qui est malade, et la décision d'insémination a pour but de mettre un terme à la « malédiction génétique ».
2) Fécondation in vitro avec don d'ovocytes (FIV).
La situation est tout à fait différente. La femme est enceinte et porte l'enfant. La grossesse lui confère le statut imaginaire et social de mère. Elle ne se sent pas vraiment stérile puisqu'elle porte l'enfant. Le problème du secret perd du même coup de son acuité, car et la mère gestante et le père producteur de spermatozoïdes se sentent parents de l'enfant.

Dr Didier DAVID Psychiatre des Hôpitaux de Paris

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6846