Syndrome douloureux vésical

Appréhender le patient dans sa globalité

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Publié le 19/11/2018
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cystite

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Crédit photo : Phanie

analyse urine

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Les données épidémiologiques manquent, mais en extrapolant les résultats des enquêtes menées aux États-Unis, on estime que 5 % de la population souffre d'une gêne en relation avec la vessie. "Autrefois appelé cystite interstitielle, ou cystalgie à urines claires, le syndrome douloureux vésical est un problème qui peut fortement altérer la qualité de vie des patients qui en souffrent, majoritairement des femmes dans 80 à 90 % des cas ", rapporte le Pr Jérôme Rigaud.

Un trouble mystérieux 

Le patient consulte pour une pollakiurie douloureuse, les mictions pouvant être de plusieurs dizaines par jour, voire jusqu’à 40 ou 50 fois par 24h et limiter dans ces cas les plus sévères la vie sociale. 

L'origine de ce trouble n'est pas connue. Le rôle des hormones est suspecté car ce syndrome douloureux touche plus volontiers des femmes vers la ménopause. Une autre hypothèse est une baisse du seuil de sensibilité à la douleur. Certains facteurs alimentaires sont considérés comme aggravants : café, citron, alcool, chocolat, épice, boissons gazeuses.

Il est dans tous les cas importants de prendre en compte la plainte du patient, qui doit être appréhendé dans sa globalité et non pas considéré comme souffrant d'une maladie psychosomatique. 

L'interrogatoire précise l'ancienneté des troubles, qui doivent évoluer depuis au moins trois mois pour rentrer dans le cadre de ce syndrome. Il importe également de rechercher l'existence d'un terrain douloureux plus diffus, notamment la survenue de douleurs pelviennes au moment des rapports sexuels, une colopathie fonctionnelle, une fibromylagie ou encore des migraines. La clinique est souvent assez pauvre, mais le caractère de la douleur, focalisée au niveau urinaire ou survenant sur un terrain douloureux plus diffus est un bon élément d'orientation vers une pathologie vésicale ou au contraire une pathologie de la douleur.

À la recheche d'une anomalie 

Un bilan complémentaire minimal s'impose : examen cytobactériologique des urines pour éliminer une infection urinaire, échographie vésicale à la recherche d'une lithiase ou un cancer. "La tenue d'un calendrier mictionnel, sur lequel le patient note les heures et le volume de chaque miction sur deux à trois jours, renseigne de façon objective sur la fréquence des mictions et le volume fonctionnel que peut contenir la vessie", poursuit le Pr Rigaud. 

Si la douleur n'est que vésicale, le patient doit être adressé à l'urologue pour réaliser une cystoscopie au mieux sous anesthésie générale, qui est l'examen de première intention à réaliser. Elle permet de faire un bilan endoscopique et éliminer une pathologie tumorale ou lithiasique, rechercher des lésions plus ou moins spécifiques (lésion de Hunner). En fonction du résultat de cet examen, on parlera alors de syndrome de vessie douloureuse avec ou sans anomalie endoscopique ce qui peut permettre de distinguer une pathologie vésicale d’une hypersensibilité pelvienne.

Une prise en charge multidisciplinaire

La prise en charge thérapeutique de ces douleurs vésicales repose sur différentes options comme l’hydrodistension qui est réalisée lors de la cystoscopie sous anesthésie générale, le polysulfate de pentosane, la rééducation, la neurostimulation transcutanée (TENS), les instillations endovésicales, ... 

Lorsque les douleurs vésicales s'intègrent dans un syndrome douloureux plus diffus, la consultation urologique peut être différée et un traitement antidouleur est instauré en première intention. Il est généralement fait appel à un antidépresseur (amitriptyline) à faible dose, qui est souvent efficace sur ces douleurs viscérales. Une prise en charge algologique globale dans des centres spécialisés est souvent indispensable. 

Face à des douleurs résistantes à ces traitements, une prise en charge spécialisée multidisciplinaire est souvent nécessaire alliant une concertation entre urologues et algologues. Des traitements comme la neurostimulation médullaire, la stimulation magnétique transcrânienne ou encore les injections de toxine botulique peuvent être proposés. Dans les cas très sévères, chez des patients ayant des lésions endoscopiques avec véritable cystopathie pariétale, une chirurgie d'agrandissement ou de remplacement de la vessie peut être envisagée.

D'après un entretien avec le Pr Jérôme Rigaud, urologue, CHU, Nantes

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9703