D ANS l'urgence, chez un enfant qui souffre, pour efficaces qu'elles soient, les voies d'administration classiques des morphiniques créent des réticences chez les patients. C'est pourquoi des médecins britanniques ont proposé et testé la voie inhalée chez des jeunes de 3 à 16 ans. Jason M. Kendall et coll. rapportent leurs conclusions, favorables, dans le « British Medical Journal ».
Dans huit hôpitaux britanniques, des enfants et des adolescents victimes de fractures des membres ont servi de test. Sur les 404 sujets enrôlés, 204 ont reçu en analgésie un spray nasal de diamorphine, 200 ont eu droit à une injection intramusculaire de morphine. La douleur et son délai de soulagement ont été évalués grâce à une échelle (Wong Baker). Inhalé à une dose de 0,1 mg/kg, le spray a démontré une action antalgique plus rapide que les 0,2 mg/kg administrés en intramusculaire, tout au moins à 5, 10 et 20 minutes. Au bout d'une demi-heure, il n'existe plus de différence.
Reste à juger de la satisfaction des patients, des soignants et des parents. C'est ici un des arguments majeurs de l'utilisation de la voie nasale. En effet, outre les réticences, déjà évoquées, des jeunes patients face à la piqûre (I.M. ou I.V.), l'alternative du suppositoire ne fait pas davantage l'unanimité. Reste, enfin, la voie orale, mais le choix des drogues est limité et l'analgésie est retardée. Quatre-vingts pour cent des patients traités par spray n'ont pas déclaré de gêne, contre seulement 9 % de ceux traités par injection. L'acceptabilité du spray a été plébisicté que ce soit par les soignants (98 %, soit dans 199 cas sur 203) ou les parents 97 % (186 sur 192), contre, respectivement, 32 % et 72 % en cas d'intramusculaire.
En revanche, aucune différence n'a été enregistrée en ce qui concerne les effets secondaires, quel que soit le mode d'administration (24,1 % avec le spray contre 18,5 %).
La riche vascularisation de la muqueuse nasale
La voie nasale, expliquent les auteurs, a été retenue, car elle est bien connue et présente de nombreux avantages. D'un point de vue anatomique, la riche vascularisation de la muqueuse nasale et le drainage de l'épithélium par les veines faciales et sphénopalatine court-circuite le métabolisme du premier passage. D'un point de vue pharmacologique, la diamorphine a été retenue, poursuivent les auteurs, en raison de sa grande hydrosolubilité, permettant une préparation à grande concentration dans un faible volume. 0,1 ml suffit, favorisant l'absorption muqueuse avec un passage pharyngé mineur. Enfin, d'autres opioïdes ont déjà été utilisés en spray (fentanyl, mépéridine).
L'antipathie des enfants pour les injections
Bien sûr, « un certain degré de biais est possible, puisque les patients, les parents et l'équipe médicale ne pouvaient être "aveuglés" sur la méthode choisie ». Et les différences entre les deux groupes, que ce soit en réaction au traitement ou dans l'acceptabilité, peuvent en partie être dues à l'antipathie des enfants pour les injections. Mais ce biais ne peut expliquer les écarts de vitesse d'action. D'ailleurs, la mesure de la désaturation de l'oxygène confirme, objectivement, les déclarations. Elle est plus rapide dans le groupe sous spray.
Les auteurs concluent leur travail sur ces mots : « Le spray nasal de diamorphine peut être la meilleure façon d'administrer une analgésie chez les jeunes dans diverses circonstances, par exemple : brûlures douloureuses, blessures des extrémités des doigts et dans les cas qui requièrent un déshabillage. »
« The Lancet », vol. 322, 3 février 2001, pp. 261-265.
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